Exécution du numéro 2 en Corée du Nord : Kim Jong-un « consolide son pouvoir »
Chang Song-taek, considéré jusqu’alors comme la deuxième personnalité la plus puissante du régime de Pyongyang, a été exécuté pour avoir «trahi la nation». Pour Olivier Guillard, directeur de recherches Asie à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), cet événement brutal laisse présager de nouvelles provocations sur la scène internationale.
La première année ayant suivi la mort de Kim Jong-il (le 17 décembre 2011) était une année d’observation, où l’on se demandait si le régime survivrait à ce dernier. 2013 a été celle de consolidation du système post-Kim Jong-il, durant laquelle son fils Kim Jong-un a assis son pouvoir. Il a notamment fait remplacer environ 50% des cadres de l’armée, une manière d’éviter de laisser trop de place aux anciens et aux sceptiques. La mort de son oncle et mentor, qui était censé encadrer l’ascension du dirigeant trentenaire, intervient une semaine avant le 2e anniversaire du décès de Kim Jong-il, et s’inscrit dans cette même logique consistant à conforter le fils comme seul et unique dirigeant. Chang Song-taek ne constituait certainement pas une menace et je ne crois pas du tout aux raisons avancées par le régime: il n’y a pas eu de début de coup d’État en Corée du Nord.
Chang Song-taek était très apprécié de la Chine, qui voyait en lui un modéré souhaitant approfondir les relations entre les deux pays. L’idée de se débarrasser de lui vient sans doute en partie des conservateurs au sein de l’armée qui ne veulent pas d’une relation de subordination vis-à-vis de Pékin. Déjà courroucée ces dernières années par les aventurismes divers et variés (essais nucléaires, bombardement de l’île sud-coréenne de Yeonpyeong, etc.) décidés par Pyongyang, la Chine, prise avec moins de sérieux par les dirigeants nord-coréens, prend en fait assez mal ces nouvelles bravades.
En outre, alors même que la doctrine américaine du «pivot in Asia» (qui consiste à se tourner davantage vers l’Asie, ndlr) déplaît à Pékin, des événements de ce type jette une ombre et incertitude sur le court-moyen terme de ce pays nucléaire instable, imprévisible et provoquant, justifiant plus encore un investissement américain sérieux et permanent dans la région. Rien qui ne satisfasse Pékin.
À Séoul, cette démonstration de brutalité n’augure rien de bon pour la reprise du dialogue entre les deux Corées (qui sont théoriquement toujours en guerre puisqu’aucun accord de paix n’a été signé à l’issue de la guerre de 1950-1953, ndlr). On s’attend à de nouvelles tensions aux frontières, de nouvelles démonstrations de virilité. Même sentiment du côté des Etats-Unis, car cet événement domestique a forcément une résonnance internationale. Surtout qu’à l’approche du 2e anniversaire du décès de Kim Jong-il, on peut tout à fait s’attendre à un nouvel essai nucléaire dans les jours qui viennent.
Si Pyongyang croit faire pression sur Washington avec ses provocations, le calcul est mauvais. Les États-Unis ont choisi la diplomatie de la patience stratégique: tant que l’attitude de la Corée du nord ne va pas dans le bon sens, ils n’ont aucune raison de revenir à la table des négociations.
On peut s’attendre à un raidissement du régime, qui va devoir écarter des dizaines ou des centaines de collaborateurs de Chang Song-taek au sein du Parti des travailleurs. La population nord-coréenne doit pour sa part se dire que si le numéro 2 du régime peut-être exécuté en deux jours, ses libertés vont être encore restreintes et elle va devoir faire davantage profil bas. De plus, si une nouvelle période de provocations extérieures engendre d’autres sanctions économiques de la part de la communauté internationale, l’année 2014 risque d’être encore plus difficile pour les Nords-Coréens.