ANALYSES

«Il y a une lutte énorme entre l’Arabie saoudite et l’Iran en Irak»

Presse
6 janvier 2014
Qui sont donc ces hommes en présence aujourd’hui à Fallouja ?

Il y a quatre parties qui sont présentes à Fallouja. D’abord, c’est al-Qaïda, l’organisation de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). C’est une organisation ouvertement affiliée à al-Qaïda. Elle s’est renforcée considérablement ces derniers temps en Irak et en Syrie, et qui bénéficie du soutien financier et militaire de certains milieux liés à certains pays arabes dans la région. C’est une organisation qui milite contre les gouvernement irakien et syrien, parce qu’en même temps leur objectif est vraiment de vaincre la domination des chiites dans cette région.


Ensuite, il y a deux autres forces tribales. Certaines tribus collaborent avec le régime irakien. Ils ont mis en place un conseil militaire. Ils ont déjà collaboré en 2003 et 2004 avec les Américains pour lutter contre al-Qaïda.


Et puis il y a aussi certaines autres tribus, tribus rivales des premières tribus, qui elles soutiennent al-Qaïda. Enfin, la quatrième force, c’est le gouvernement ou l’Etat irakien.


Quand le gouvernement annonce qu’il va lancer une contre-offensive, est-ce qu’il en a les moyens matériels ?



Oui, absolument. Mais sur le plan militaire, le gouvernement irakien peut chasser al-Qaïda de Fallouja. Mais seulement Fallouja c’est une ville très dense, peuplée de la population arabe sunnite. Une action militaire, uniquement militaire, peut provoquer des pertes énormes parmi la population civile !


C’est la raison pour laquelle le gouvernement irakien se donne le temps, essaie sur le plan de la communication au moins de convaincre une partie de la population qui est affiliée à certaines tribus proches du gouvernement, de faire tout le nécessaire, de demander à al-Qaïda de quitter Fallouja, sans attendre une offensive militaire du gouvernement.


Est-ce que l’on sait précisément pour quel camp penche cette population ?



Cette population est divisée. Une partie penche pour le gouvernement. Mais depuis deux ans, il y a un mécontentement généralisé contre le gouvernement Maliki, contre la façon dont Maliki gouverne et son autoritarisme, qui a provoqué un mouvement civil de masse. Parfois plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté contre Maliki. C’est pourquoi une partie de cette population a mis en place, à l’image de ce qui s’est passé place Tahrir en Egypte, des camps permanents dans la ville de Ramadi, qui fait partie avec Fallouja de la province Al-Anbar.


Or, c’est parce que ces camps étaient infiltrés par al-Qaïda et que le gouvernement les a attaqués pour mettre fin à l’existence, qu’al-Qaïda a pris l’initiative de lancer une offensive sur la ville de Fallouja. Comme dans cette ville de Fallouja, il n’y avait que des policiers, pas d’armée – parce qu’il y avait eu un accord entre les chefs de tribu et le gouvernement irakien -, al-Qaïda en a profité pour mettre la main sur Fallouja.


Qu’est-ce que l’on peut penser de l’offre de Téhéran qui a proposé de fournir des équipements militaires et des conseils à Bagdad pour lutter contre les extrémistes sunnites de Fallouja ?

Cela nous amène au problème essentiel qui explique pourquoi l’Irak ne connaît pas la stabilité. Aujourd’hui, il y a une lutte d’influence énorme engagée entre l’Arabie saoudite et l’Iran en Irak. Aujourd’hui, c’est l’Iran qui a une grande influence en Irak.


La situation actuelle n’est pas acceptable pour l’Arabie saoudite et les autres pays arabes, notamment ceux du Golfe. Le gouvernement de Bagdad a accusé l’Arabie saoudite de soutenir directement, financièrement et militairement les groupes terroristes à Bagdad. A partir de là, l’Iran, évidemment, ne peut pas envoyer des troupes parce que dans ce cas, cela signifierait une vraie intervention iranienne dans les affaires irakiennes. Je pense que c’est symboliquement que l’Iran a proposé, si le gouvernement irakien le demande, de donner du matériel et envoyer des conseillers.

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