« Grâce au foot, le Qatar assure sa notoriété »
Il ne se passe désormais plus une semaine sans que l’actualité du sport et singulièrement du football ne semble placée sous le signe du Qatar. Cette semaine, c’est la polémique sur la tenue de la Coupe du monde 2022 en hiver qui était au centre des préoccupations sportives. Fantasme ou réalité ? Nous avons interrogé Pascal Boniface, fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques… et grand amateur de foot.
Un peu les deux. On peut dire que par rapport à sa taille, le Qatar est une sorte de superpuissance du sport, que son implication dans le sport est certainement bien plus importante que son poids démographique ou économique. Il y a donc une surreprésentation du Qatar dans le sport, ce qui est un objectif diplomatique voulu. De là à dire que le Qatar rafle tout, non. Il y a effectivement un effet de loupe, parce que la Coupe du monde, c’est quelque chose de très visible, comme le Paris Saint-Germain, qui obtient de bons résultats à cause du Qatar. Mais à l’échelle européenne, le Qatar ne possède que deux clubs : le PSG et Malaga, en Espagne.
Ça coûte moins cher que d’acheter des Rafale ! Le Qatar est un pays très petit, peu peuplé, qui a des relations compliquées avec l’Arabie Saoudite, avec l’Iran, qui vit dans une zone géopolitique tendue. Le Qatar se dit que plus il sera connu, plus il sera protégé. Que sa notoriété sera finalement la meilleure façon d’assurer sa protection, sa défense et sa souveraineté. Comment exister de façon pacifique? L’intérêt du sport, c’est que vous êtes très présent. Etsi vous êtes dominant dans le sport, vous êtes populaire parce qu’on admire vos exploits – même si, bien sûr, il peut y avoir des réticences dans certains secteurs. Le Qatar a choisi d’investir dans le sport pour exister sur la carte de la planète. Pour reprendre l’exemple du Paris Saint-Germain, le prix total du club est de 70 millions d’euros, mais si vous comparez la notoriété du Qatar avant et après l’achat du PSG, c’est le jour et la nuit. Un des objectifs du Qatar est que la moitié des revenus du pays dépende d’éléments «non matières premières» en 2030. Dans ce contexte, la venue de Zlatan Ibrahimovic et ses camarades a beaucoup plus fait parler du Qatar que n’importe quel discours de l’émir.
Non, le milieu du football est absolument ravi : tous les présidents de club savent que quand le PSG se déplace, leur stade est rempli, qu’il y a plus de droits télé, que le championnat de France est plus vendu à l’étranger… Le PSG est considéré comme la locomotive qui tire le football français.
C’est du fantasme. C’est la Fifa qui décide, le Qatar n’a rien exigé. Le Qatar a dit qu’il était aussi prêt à jouer en hiver qu’en été. Par rapport à la saison hivernale, les Anglais tiennent à leur grande tradition du Boxing Day (1) mais je pense qu’en Belgique comme en France, on préfère quand même aller au stade en juillet-août quand il fait bon plutôt qu’en décembre-janvier… Avant même que l’on décide d’organiser la Coupe du monde au Qatar, une réflexion avait été lancée sur le sujet, tenant compte du fait que les modes de consommation du sport ont changé par rapport à l’époque où l’on observait une trêve pendant les congés payés… Pour le reste, le pays organisateur d’une Coupe du monde dépense forcément de l’argent. La Corée et le Japon ou les Etats-Unis ont aussi mis de l’argent sur la table pour que la compétition se passe bien. Quant aux rumeurs de corruption, c’est toujours la même chanson: les accusations émanent des perdants. C’est ce que les Français ont fait par rapport aux Britanniques pour les Jeux olympiques de2012…