ANALYSES

«Le rapport sur la Corée du Nord n’est pas acceptable»

Presse
18 février 2014
Pourquoi la Chine a-t-elle refusé d’office de saisir la Cour pénale internationale à la suite de la publication du rapport de l’ONU sur la Corée du Nord ?



En géostratégie, la Chine et la Corée du Nord sont ce qu’on appelle des pays amis. Depuis la conférence de Bandung en 1955, la Chine brandit la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays. Donc, pour ne pas que l’on mette le nez dans ses affaires, elle défend toutes les dictatures de gauche au nom de la non-ingérence.


Cependant, ce rapport pose de sérieuses questions sur le plan scientifique. Il a été rédigé sans aller en Corée du Nord, et uniquement sur la base de témoignages de gens qui disent avoir été victimes du régime. C’est une instruction strictement à charge, et cela permet à la Chine de justifier sa position en disant que les personnes qui ont écrit ce rapport avaient décidé dès le départ de ne voir qu’un côté du problème.


Par exemple, concernant les images satellites censées prouver l’existence des camps, je me souviens avoir vu, il y a quelques années, un certain nombre d’autres images satellites qui tendaient à prouver que la Corée du Nord avait fait un essai nucléaire et qui étaient des faux, ou qui étaient interprétées de manière fausse. Ce sont des questions très techniques, mais cela fait des années que je suis persuadé que la Corée du Nord n’a pas du tout le programme nucléaire que lui prêtent les États-Unis.


Attention : ce que dit le rapport de l’ONU est assez vrai en ce qui concerne les exactions qui sont commises. Mais ne présenter que ce côté-là sans le replacer dans un contexte plus global démolit la validité de l’ensemble. Il aurait fallu parler de la manière dont les États-Unis ont géré le problème de la Corée du Nord, comment ils ont utilisé la Corée du Nord comme un repoussoir, ont empêchés un certain nombre de réalisations entre la Corée du nord et la Corée du Sud… C’est un historique de trente ans !


Peut-on quand même s’attendre à ce que le rapport ait un impact auprès de la communauté internationale et de l’opinion publique ?



On va demander son avis à la représentation chinoise à l’ONU, ils vont dire « non », et cela va s’arrêter là. Le problème c’est que depuis que j’ai commencé à travailler sur ce pays en 1993, il y a un jeu de poker menteur épouvantable sur la Corée du Nord, entre les Américains, les Chinois, les Japonais, les Nord-Coréens et les Sud-Coréens. Et il n’y a pas de décryptage profond. Par exemple, le premier essai nucléaire était un faux, il me semble que c’est une certitude. Le deuxième était un essai raté, si c’en était un vrai. Et on en est à parler de « missiles intercontinentaux » pour désigner l’espèce d’assemblage de fusées qu’ils ont fait pour lancer un satellite…




Il y a une pensée unique autour de la Corée du Nord, et le rapport s’inscrit dans la continuité de cette pensée. Ce genre de rapport, quand il est fait de manière très sérieuse, peut être intéressant car il permet de solidifier des choses qui sont de l’ordre de la rumeur. Mais celui-ci est plutôt un rapport « d’humeur », qui est fait en n’interviewant qu’une partie des intervenants.

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