ANALYSES

Algérie : « Le désarroi absolu »

Presse
26 février 2014
La candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat présidentiel en Algérie vise-t-elle à éviter une guerre de succession ?



C’est le vide derrière Bouteflika plutôt que la lutte entre d’éventuels dauphins qui explique en partie cette nouvelle candidature. On n’a vu personne émerger, ni dans le premier cercle autour du président, ni chez les généraux, ni dans l’appareil du renseignement. Il n’y a pas de compétition visible, il n’y a pas non plus d’indice sur une lutte plus sourde pour la succession. C’est une vraie spécificité algérienne quand on considère qu’il y a des figures montantes dans d’autres régimes autoritaires, en Chine par exemple. Bouteflika a constitué un premier cercle d’hommes de confiance qui ne sont pas des concurrents, à l’image du Premier ministre, Abdelmalek Sellal.


Comment l’expliquer ?



Le système ne promeut aucun renouvellement parmi les générations post-indépendance. Les clans se neutralisent et se satisfont du statu quo autour de la rente pétrolière et gazière. Il faut dire que la présidence en Algérie reste une institution de façade qui ne monopolise pas le pouvoir politique, pas plus que le pouvoir économique et financier.


Quel est le sentiment de la population algérienne ?



Il suffit d’un voyage en Algérie pour prendre la mesure du désarroi absolu de l’homme de la rue, de son désespoir. Prenez le taxi une seule fois, on vous dira tout ! Le peuple algérien a le sentiment légitime que la corruption qui vient d’en haut a gangrené toute la société. Le contraste est éclatant entre la richesse du pays due à la manne pétrolière et gazière et le délabrement des infrastructures primaires. Qu’il s’agisse du réseau routier, des hôpitaux ou du logement, rien ne s’améliore alors que l’excédent budgétaire du pays laisserait rêveur en Europe. Il n’y a, dans l’état actuel des choses, aucune chance pour que la situation évolue favorablement. 97 % des recettes du pays dépendent du pétrole et du gaz, ce qui montre bien que l’État n’a développé aucune industrie tournée vers le futur depuis l’indépendance. Au contraire des monarchies du Golfe, dont l’économie n’est plus seulement assise sur la rente.


Les partis islamistes ont appelé au boycott du scrutin avant même l’annonce de la candidature de Bouteflika. Que pèsent-ils dans la société ?



C’est difficile à mesurer. On se rend compte sur le terrain que l’islamisme a droit de cité. Mais c’est une visibilité sociale, pas politique. L’activisme de la fin des années 1980 n’a pas d’équivalent aujourd’hui. La question islamiste reste douloureuse dans un pays qui a connu dix années de guerre civile. Le compromis et la réconciliation ont été acceptés au nom de la paix civile mais le prix de la guerre n’a jamais été payé. Et la menace terroriste n’est pas enrayée.

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