« La Russie, plus machiavélique, a bien repris l’avantage »
Je note surtout l’habileté de la manœuvre russe. D’un côté, Moscou semble respecter le droit international en y mettant les formes juridiques. De l’autre, il n’hésite pas à montrer ses muscles et à jouer le coup de force pour rassurer la population russophone d’Ukraine, tout en faisant respecter ce qu’il estime être ses intérêts géopolitiques locaux. Il y a une semaine, la Russie était sur le reculoir avec la perte du pouvoir à Kiev par un président qui lui était fidèle. Désormais, elle a bien repris l’avantage. C’est peut-être moralement discutable et machiavélique, mais c’est un fait.
Par certains aspects, oui : d’anciennes républiques du bloc soviétique, des questions de frontières, des minorités russophones à côté d’autres communautés… Le terreau est le même. Et l’attitude de Moscou similaire : la pression et les bruits de bottes.
Poutine se positionne pour négocier au mieux. Mais quand même, l’enjeu ukrainien, eu égard à la taille et à la position du pays, est d’un autre niveau que celui de la Géorgie.
Non, je ne crois pas. Les Russes sont quand même respectueux du droit international. Reste à savoir jusqu’où ira l’« autonomie » choisie par les habitants de Crimée. Une souveraineté plus large encore ? Une sécession de fait ? Je ne vois pas d’affrontement militaire direct lancé par Moscou, ce serait une catastrophe pour la Crimée et l’Ukraine.
Mais l’intégrité territoriale du pays est peut-être en suspens. Le plus grand risque vient de sa propre population et de ses composantes. Vont-elles encore vouloir vivre ensemble ?
Il y a toujours eu des liens forts entre les deux pays, assumés d’ailleurs, qu’ils soient politiques, économiques ou culturels. Mais l’Ukraine est une nation double : un œil vers la Russie, l’autre vers l’Europe de l’Ouest – une constante dans son histoire -, comme à mi-chemin. Cette crise est la parfaite illustration de cette ambivalence.
Si c’est le cas, le retour de bâton est sous nos yeux ! Les Occidentaux ont peut-être pensé se débarrasser des Russes en Ukraine, mais Moscou ne lâche rien. C’est ici sa zone d’influence historique.
Des négociations devraient s’ouvrir maintenant entre Occidentaux et Russes pour stopper l’escalade et trouver un compromis, comme en Géorgie en 2008. On verra si un accord viendra rapidement ou pas.