4 questions pour comprendre le programme de missiles de la Corée du Nord
Le Conseil de sécurité de l’ONU tient des consultations, jeudi 27 mars après-midi, sur les récents tirs de missiles par la Corée du Nord, a annoncé mercredi 26 mars la mission luxembourgeoise auprès de l’ONU. Pyongyang a procédé mercredi matin à des tirs d’essai balistiques en réponse au sommet de La Haye (Pays-Bas) entre le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis, qui ont dénoncé une "escalade provocatrice".
En violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sanctionnant son programme nucléaire, le régime nord-coréen a lancé deux missiles qui sont apparemment des variantes de missiles Rodong (épelés "Nodong" en Corée du Sud), considérés comme des missiles à moyenne portée avec un maximum allant de 1 000 à 1 500 kilomètres. Lors des quatre dernières semaines, la Corée du Nord a également procédé à de nombreux lancements de missiles Scud de courte portée et de fusées, alors que les Etats-Unis et la Corée du Sud organisaient leurs exercices militaires conjoints annuels. Le dernier essai présumé de missile Rodong par Pyongyang remontait à juillet 2009.
« Pyongyang est soupçonné d’avoir lancé des missiles pour protester contre la pression internationale pour la dénucléarisation exprimée lors du Sommet sur la sécurité nucléaire à La Haye (Pays-Bas) et contre les exercices militaires conjoints en cours entre Séoul et Washington, ainsi que pour montrer la capacité de ses missiles balistiques », selon le Korea Times.
« Le lancement a également eu lieu le jour même où la Corée du Sud commémore le quatrième anniversaire du naufrage de la corvette Cheonan, qui avait été touchée par une torpille nord-coréenne en mer Occidentale, une zone de forte tension. Pyongyang nie toujours son implication dans l’incident qui a tué 46 marins. », ajoute le quotidien sud-coréen.
Ces tirs montrent aussi l’étendue du programme de missiles nord-coréens. Pyongyang dispose en effet de plusieurs centaines de missiles, essentiellement à courte et moyenne portée, qu’elle a acquis et développés depuis une trentaine d’années.
Le programme d’acquisition et de développement de missiles de la Corée du Nord aurait commencé vers 1975, selon l’IISS (International Institute for Strategic Studies) de Londres. A partir de cette date, Pyongyang a notamment importé d’Union soviétique des missiles Scud-B à courte portée et a développé à partir de cette technologie ses propres missiles, Hwasong-5 et Hwasong-6, en accroissant leur portée à respectivement 300 et 500 kilomètres.
Ces missiles peuvent frapper des cibles dans toute la péninsule coréenne – un objectif tactiquement utile pour les dirigeants communistes, mais qui ne remplit pas un des objectifs stratégiques : pouvoir frapper des cibles au Japon, bases américaines comprises.
Parade militaire à Pyongyang, organisée le 10 octobre 2010 pour le 65e anniversaire de la fondation du Parti des travailleurs.
Aussi, la Corée du Nord a décidé d’importer des missiles, probablement de Russie, pour développer à partir de 1988 le Rodong. Il a été testé à partir de 1993. Donnant satisfaction, il a commencé à être exporté à partir de la deuxième moitié des annés 1990, notamment en Iran et au Pakistan – respectivement renommés Shahab-3 et Ghauri.
La Corée du Nord est ainsi devenue un Etat proliférant, accroissant l’instabilité de la planète. La portée de ce missile est de 900 kilomètres. Il peut toucher une partie des bases japonaises et américaines au Japon ou des objectifs civils. Mais le missile n’a été testé que sur 500 kilomètres. En 2010, Pyonyang a présenté une nouvelle version améliorée, le Nodong-2010, qui pourrait théoriquement atteindre 1 600 kilomètres et toucher Okinawa, dans le sud de l’archipel.
Mais Pyongyang cherche aussi à se doter de missiles intercontinentaux depuis la fin des années 1980. Le missile Taepodong-1 a été testé le 31 août 1998, provoquant un choc, notamment au Japon, le missile passant au-dessus du territoire.
Sous la pression internationale, Pyongyang accepta, quelques mois plus tard, en 1999, un moratoire sur les tests de missiles à longue portée, en échange de la levée des sanctions économiques instaurées par les Etats-Unis, moratoire auquel elle mit fin en 2006. Depuis, le Taepodong-1 n’a pas été testé. Reconnaissant ses limites opérationnelles, les ingénieurs nord-coréens ont planché sur une nouvelle version, le Taepodong-2, à partir des années 1990. Il a été testé pour la première fois en 2006. Mais le test de ce missile dont la portée serait d’au moins 4 000 kilomètres a échoué.
Un autre missile, le Unha-2 – dont on ne sait pas s’il est une réplique du Taepodong-2 ou s’il s’agit d’un nouveau système – a été lancé en 2009. Ce fut également un échec. Mais selon l’IISS, son développement pourrait servir soit au lancement de petits satellites, soit comme missile à longue portée, entre 6 500 et 10 000 kilomètres. Un autre missile à plus courte portée (2 400 ou 4 000 kilomètres, selon les sources), le Musudan, n’a pas encore été testé et est en cours de développement. Enfin, le Unha-3 a été testé, le 12 décembre 2012, avec succès. Il pourrait atteindre, théoriquement, jusqu’à 10 000 kilomètres de portée, atteignant ainsi largement l’intérieur des Etats-Unis ou l’Europe de l’Ouest.
La portée de ces missiles serait donc, pour certains, considérable, mais elle n’est pas confirmée tant le programme est opaque et l’industrie nord-coréenne technologiquement peu avancée. Par ailleurs, certains systèmes sont difficilement détectables, étant installés sur des rampes mobiles. La Corée du Nord disposerait de 200 rampes mobiles de lancement de missiles balistiques, soit le double de ce qui avait été estimé auparavant par les experts sud-coréens, selon l’agence Yonhap, se référant à l’Institut coréen de recherche aérospatiale.
Sur ces 200 rampes, 100 sont destinées aux missiles courte portée Scud, 50 pour les missiles de moyenne portée Rodong, et 50 pour les missiles de moyenne portée Musudan. Selon les experts militaires, ces rampes de lancement sont déployées dans des régions permettant de frapper les bases sud-coréennes et américaines situées dans le sud de la péninsule coréenne.
Cet arsenal est d’autant plus inquiétant que Pyongyang développe un programme nucléaire militaire et qu’elle pourrait, dans un avenir peu clair, doter ses missiles balistiques d’ogives nucléaires. Elle a déjà réalisé trois tests nucléaires en 2006, 2009 et 2013.
Par ailleurs, le face-à-face militaire entre Nord et Sud de la péninsule coréenne est impressionnant, ce qui ne va pas dans le sens d’un apaisement des tensions. Alors que Pyongyang a l’avantage quantitatif, mais dispose de matériels souvent obsolètes, Séoul déploie des forces beaucoup plus modernes, appuyées par un contingent militaire américain de 22 000 hommes. Et la Corée du Sud ne cesse de moderniser ses forces. Ainsi, elle devrait acheter prochainement quarante avions de combat furtif F-35 aux Etats-Unis, creusant encore l’écart qualitatif avec sa rivale du nord.
Face à ces menaces, la Corée du Sud, mais aussi le Japon, cherchent à se protéger en développant un programme de défense antimissile.