Chine : « La corruption gangrène toute la société »
L’ancien général Gu Junshan, qui supervisait toute la logistique de l’Armée populaire de libération (APL), va être jugé pour corruption, détournements de fonds et abus de pouvoir. Les investigations ont montré que l’ex-haut gradé possédait des dizaines d’appartements et de nombreux objets d’art. Son inculpation s’inscrit dans le cadre de la vaste campagne «mains propres» lancée par le président Xi Jinping au sein du Parti communiste chinois (PCC) et dans les rangs de l’armée. Il s’agit d’un signal politique fort envoyé par le numéro un chinois, qui s’était engagé à abattre aussi bien «les tigres que les mouches».
La Chine est gangrenée par une corruption endémique. En 2013, l’Empire du Milieu était 80e sur 177 pays avec un score de 40, d’après le classement Transparency International du degré de perception de la corruption (l’indice est compris entre zéro pour un Etat perçu comme «hautement corrompu» et 100 pour un Etat considéré comme «très vertueux», ndlr).
Des hauts dirigeants aux simples paysans, toutes les classes sociales sont concernées. Lorsque j’habitais en Chine, ma femme de ménage rackettait la couturière de mon épouse pour qu’elle puisse entrer dans les bâtiments diplomatiques. Pour être soigné, il fallait faire de petits cadeaux au médecin. Verser des pots-de-vin est une pratique communément admise, et qui exaspère de nombreux Chinois.
La question n’est pas nouvelle. La corruption s’était un peu atténuée à l’époque de Mao Zedong (1949 – 1976). Par la suite, l’émergence du secteur privé a poussé les membres du Parti communiste à abuser de leurs prérogatives. Cette élite a placé sa descendance (les taizi, les «fils de princes», ndlr) à des postes importants, et il est impossible d’obtenir quoi que ce soit sans passer par eux.
Ce népotisme et cette corruption rampante sont exacerbés par la croissance économique du pays, qui progresse entre 7 et 12% chaque année depuis plus de 30 ans. Aujourd’hui, la Chine compte des familles extrêmement riches (358 milliardaires en dollars, selon une étude de l’institut de recherche Hurun, à Shanghai, ndlr), avec des appétits pour l’argent et des volontés de puissance très importants.
De plus, une distance s’est installée entre le pouvoir central et les régions, qui n’obéissent plus beaucoup à Pékin. Bien souvent, les dirigeants locaux confondent leur cagnotte personnelle avec la cagnotte publique.
Xi Jinping ne parvient pas réellement à s’imposer. Il utilise la lutte contre la corruption comme une arme pour se débarrasser de ses adversaires et asseoir son autorité. Chaque année, le régime souligne l’importance de la lutte anti-corruption. Le président chinois en a fait son cheval de bataille sur le long terme, voilà la nouveauté.
Il a entamé une purge (l’opération «mains propres») et ose s’attaquer à des hauts dirigeants. Est-ce de la poudre aux yeux ? Seul le pouvoir central le sait. Il faut bien avoir à l’esprit que la stabilité du régime et le maintien de l’harmonie sociale sont des priorités pour Pékin. Or, le peuple apprécie de voir tomber une «grosse tête» de temps en temps. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’on traite le problème à la racine.
Xi Jinping va-t-il s’attaquer à la corruption de façon massive ? Va-t-il cibler d’autres personnalités haut placées, des patrons de grandes entreprises ou des cadres du régime ? Si d’autres dirigeants importants sont condamnés, cela signifie que le président chinois souhaite réellement nettoyer le Parti et mettre un terme aux «petits business» de ses membres.