ANALYSES

Israël-Palestine: « Le processus de paix dans une situation critique »

Presse
4 avril 2014

Alors qu’il devait se rendre cette semaine au Proche-Orient dans le but de prolonger les négociations israélo-palestiniennes au delà du 29 avril, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a décidé d’annuler son voyage. Une décision qui menace un peu plus le processus de paix entamé depuis bientôt neuf mois, estime Didier Billion, Directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).


John Kerry a annulé sa visite en Israël et en territoires palestiniens pour prolonger les négociations entre Israéliens et Palestiniens. Pourquoi la situation est-elle à ce point figée ?



Une première échéance avait été fixée à la fin du mois de mars dans le cadre du processus des négociations initié par l’administration américaine et menée par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Cela devait notamment se concrétiser par la libération de prisonniers politiques palestiniens, mais rien n’a été fait. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de blocage. Mais au-delà du plus strict aspect de la non-libération de ces prisonniers, c’est tout le processus des négociations qui est actuellement dans une situation critique. Les choses n’ont pas évolué depuis plusieurs mois, les Autorités israéliennes font preuve d’une très grande rigidité, et ont mis comme condition à la poursuite des négociations la reconnaissance du caractère juif de l’Etat d’Israël. Cette nouvelle exigence est évidemment inacceptable pour les Palestiniens. Les négociations sont compliquées, difficiles dans une situation asymétrique parce que les Palestiniens n’ont pas vraiment le rapport de force en leur faveur. N’oublions pas non plus que malgré ces pourparlers la colonisation se poursuit quotidiennement.


Après neuf mois de pourparlers, le processus de paix est-il menacé ?



Rien n’évolue depuis des mois.  Il s’agit d’une situation d’impasse qui dépasse la non-libération des prisonniers politiques palestiniens. L’annonce de l’annulation de la visite de John Kerry en Israël et dans les territoires palestiniens pour prolonger les négociations au-delà du 29 avril est un signe inquiétant. Le round des pourparlers ne va se conclure positivement. Le ministre israélien du tourisme a récemment déclaré que si les Palestiniens décidaient de relancer leur démarche d’adhésion auprès de certaines agences de l’ONU ou recourraient au Tribunal pénal international sur la question des colonies, « ils le paieraient très cher »…Il parle même d’annexion par Israël de certains territoires palestiniens. Lors de négociations qui n’aboutissent pas, il est assez logique et classique qu’il y ait surenchères. Sauf qu’au vu du contexte général dégradé, cette déclaration qui émane d’un ministre israélien est assez inquiétante et témoigne du peu de volonté des Israéliens de vouloir négocier pour arriver à un véritable compromis entre les deux parties.


Une fois encore, les Israéliens se comportent en exigeant tout et en n’acceptant rien. L’échec annoncé de ce processus de pourparlers me parait bien engagé: on peut craindre qu’il y ait une rupture de facto entre Israéliens et Palestiniens.


L’espion israélo-américain Jonathan Pollard, en prison depuis 1987, pourrait bientôt être libéré par les Etats-Unis, en échange de la libération de prisonniers palestiniens. Un acteur décisif dans ce processus de paix ?



Jonathan Pollard est une carte dans la manche des négociateurs israéliens et américains. Cette libération relève plus de l’ordre du symbolique que d’une importance stratégique. Si cette libération pouvait aboutir à la libération de prisonniers politiques palestiniens et au maintien du processus de paix actuel, ce serait bon à prendre étant donné la phase préoccupante dans laquelle on se trouve. Même si Jonathan Pollard  est libéré et que des Palestiniens sortent de prison, il y aurait-il pour autant une volonté d’aboutir à un compromis ? Ce n’est pas mécaniquement lié.


Quel bilan peut-on tirer du travail de médiateur de John Kerry dans ces négociations ?



C’est difficile à dire. Nous ne possédons que très peu d’éléments de ce qui a été véritablement discuté. Et ce n’est pas vraiment un reproche que l’on puisse faire, car dans ce genre de pourparlers, moins on a de publicités et mieux c’est.  John Kerry a mis ce dossier au centre de son agenda. Il a réussi, pendant plusieurs mois, à maintenir le quasi-secret sur ces négociations. Mais malgré sa connaissance du dossier et ses qualités de négociateurs, John Kerry n’arrive pas à faire fléchir les Israéliens qui montrent une grande rigidité dans leurs méthodes de fonctionnement et dans leurs exigences.


Barack Obama a rencontré le Premier ministre d’Israël Benyamin Nétanyahou en mars dernier. L’implication du président américain dans les négociations pourrait-elle débloquer la situation ?



Barack Obama pourrait intervenir dans le processus de paix, dans la toute dernière ligne droite. En tant que Président des Etats-Unis, il serait là pour la mise en forme finale. Mais à ce stade, Barack Obama ne peut pas s’engager à ce stade du processus, qui pour l’instant au point mort. D’autant plus qu’on sait que ses rapports personnels avec Benyamin Nétanyahou sont exécrables : c’est paramètre secondaire, mais dans ce type de négociations cela peut quand même avoir son importance.

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