Première ministre destituée: vers un « nouveau chapitre mouvementé » en Thaïlande

La crise politique en Thaïlande va-t-elle prendre un nouveau tour? La destitution de la Première ministre Yingluck Shinawatra, ce mercredi, décidée par la Cour constitutionnelle de Thaïlande en raison d’abus de pouvoir, risque de secouer davantage un pays déjà en proie à un bras de fer entre pro et anti-gouvernement depuis plusieurs mois. Faut-il craindre des émeutes dans les prochains jours? Le pays va-t-il s’enfoncer dans le chaos? Est-il prudent de s’y rendre? BFMTV.com a interrogé Olivier Guillard, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de l’Asie.

Cette décision n’est ni une surprise, car la destitution de Yingluck Shinawatra était attendue de longue date, ni une bonne nouvelle. Le verdict du tribunal de Bangkok n’avait pas beaucoup de chance de déboucher sur autre chose que ce résultat étant donné qu’en Thaïlande, les décisions politiques sont de plus en plus motivées contre le gouvernement actuel. Le sort de la Première ministre était donc probablement scellé depuis des semaines.

Non. C’est un soubresaut dans la profonde crise qui fracture la société thaïlandaise, qui risque d’ouvrir la voie à un nouveau chapitre mouvementé au sein du pays, d’un point de vue politique et sécuritaire, notamment entre partisans du camp Shinawatra, les "chemises rouges", et opposition, les "chemises jaunes". Cela ne la résout en rien car les circonstances du départ de Yingluck Shinawatra peuvent être, dans une certaine mesure, associées à un coup d’Etat judiciaire. Rappelons que ce pays, qui est une monarchie constitutionnelle, est familier des coups d’Etat.

Ces six dernières années, le pays est devenu spécialiste des décisions judiciaires non-équitables. La décision de ce mercredi dessert le prestige de l’institution, nuit au principe de la séparation des pouvoirs dans ce pays, et, plus largement, à la crédibilité de la Thaïlande sur la scène internationale.

Les soutiens de Yingluck Shinawatra savaient qu’il y avait de grandes chances que la décision de justice leur soit défavorable, et ont donc commencé à prévoir et planifier des manifestations, dans la capitale Bangkok et sa périphérie, mais aussi dans d’autres grands centres urbains.

C’est la troisième fois depuis 2006 qu’un gouvernement pro-Shinawatra est démis de ses fonctions avant le terme de son mandat, dans des circonstances relativement douteuses et discutables. Cela finit par frustrer une partie de la population, qui se sent en situation de déni de démocratie. Indéniablement, cela va créer des tensions, mais aussi certainement des accrochages et des scènes de violence entre pro et anti-gouvernement.

Il aurait été très sage pour le royaume thaïlandais, alors même que s’ouvre la saison touristique estivale, de procéder de façon un petit peu plus souple. Il va y avoir sans nul doute des manifestations, du monde dans les rues, des dégâts matériels possibles en cas d’affrontements, des artères seront certainement bloquées. Si l’on ne doit pas décourager les ressortissants étrangers d’aller profiter de leur séjour dans ce pays, il faut a minima les inviter à être vigilants quant au suivi de la situation sur place.

Si la conjoncture se crispe dans les prochains jours et les prochain

es semaines, il conviendra de réfléchir à une alternative possible au voyage. Aujourd’hui, je suggérerais, personnellement, que les déplacements non essentiels, surtout dans les grands centres urbains type Bangkok, soient reportés ou remplacés par une autre destination. Pour l’heure, c’est essentiellement dans la capitale, cœur du pouvoir et poumon économique du pays, que les choses se passent.