ANALYSES

République tchèque : l’adhésion à l’euro en ligne de mire

Presse
16 mai 2014

Entretien avec Samuel Carcanague, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), spécialiste de l’Europe centrale et orientale. Si les élections européennes sont loin de passionner les Tchèques – le taux de participation devrait être inférieur à 30% -, l’adoption de la monnaie unique reste un enjeu hautement symbolique pour le pays.


Les Tchèques s’intéressent-ils à ce scrutin ?

Comme un peu partout en Europe, l’intérêt des Tchèques pour ce scrutin est assez faible. Lors des précédentes élections européennes, en 2002 et 2009, le taux de participation était seulement de 28%. Cette année, le niveau de mobilisation devrait a priori être similaire, voire même un peu inférieur.


La campagne est peu visible et assez plate, ce qui n’encourage évidemment pas le débat. De plus, l’UE reste une notion assez vague pour de nombreux Tchèques. Il y a une vraie ignorance sur ce sujet : à peine 50% d’entre eux connaissent l’existence du Parlement européen.


Surtout, il ne faut pas oublier que de 2003 à 2013, le pays a été dirigé par Václav Klaus, un eurosceptique convaincu. Pendant 10 ans, le président n’a eu de cesse de critiquer l’Union européenne. Sa vision des choses a fini par se répandre à travers la population tchèque.


Quels sont les thèmes qui occupent les débats ?

L’adoption de l’euro reste un thème important. Il s’agirait d’une mesure à la fois symbolique et très concrète pour les électeurs.


La vie politique tchèque a été chamboulée par un scandale politico-conjugal qui a conduit la coalition au pouvoir à démissionner en juin dernier. Les élections législatives anticipées ont entraîné une évolution de la position tchèque vis-à-vis de l’UE : le nouveau président Milos Zeman souhaite que son pays s’implique davantage dans l’intégration européenne. C’est dans ce contexte qu’il faut resituer ses déclarations en faveur de l’adoption de la monnaie unique.


L’autre thème important est celui de l’immigration, ainsi que la question de l’insertion des Roms. Ce sont essentiellement les partis de droite qui jouent sur cette peur et ces préoccupations. Je citerais un troisième thème, porté par la droite et la gauche : la mise en place de politiques familiales pour encourager la natalité dans le contexte d’une Europe vieillissante.


Quelles sont les forces en présence ? A quels résultats doit-on s’attendre ?

Ces élections européennes sont très liées aux élections législatives anticipées d’octobre dernier. A cette occasion, de nouveaux partis ont émergé. On a réellement assisté à une recomposition de la vie politique du pays. Les 23 et 24 mai, les différentes formations essayeront de conforter leur place ou d’améliorer leurs résultats.


Pour l’heure, la parti donné favori est L’Action des citoyens mécontents (ANO), fondé en 2011 par le milliardaire Andrej Babiš. L’ANO a obtenu 18,7% des voix lors des élections anticipées, devenant du même coup le deuxième parti du pays. L’ANO, qui suit une ligne politique libérale et de centre-droit, est crédité d’un peu plus de 20% des intentions de vote.


La Parti social-démocrate tchèque (CSSD), arrivé en tête du scrutin en octobre, obtiendrait 14% des voix. Le Parti communiste de Bohême et de Moravie (KSCM) occuperait la troisième place. Généralement, le KSCM remporte entre 10% et 18% des voix lors des élections législatives.


Plusieurs pays européens voient l’extrême droite progresser fortement dans les sondages. Est-ce la cas en République tchèque ?

Non, pas vraiment. Le débat autour de l’immigration et de la question des Roms suscite effectivement des déclarations extrêmement violentes. Mais au final, l’extrême droite est relativement faible dans le pays. Contrairement à la Hongrie et son parti Jobbik, il n’y a pas, en République tchèque, de parti d’extrême-droite en tant que tel capable de remporter beaucoup de voix aux élections européennes.


Comment les Tchèques perçoivent-ils l’Union européenne ?

Dix ans après l’adhésion du pays à l’Union européenne, en mai 2004, ces élections peuvent sonner comme un bilan. Or, ce bilan semble assez mitigé, même si la République tchèque a largement bénéficié des fonds européens. Mais le pays a de grandes difficultés à utiliser efficacement ces ressources financières. Résultat : les Tchèques ont l’impression de ne pas voir la couleur de l’argent européen.


Globalement, l’UE bénéficie d’une image plutôt positive en République tchèque. L’espace Schengen est notamment perçu comme une bonne chose. Malgré tout, comme c’est le cas un peu partout, il y a un désenchantement par rapport aux espoirs placés dans l’Europe – même s’il ne faut pas surestimer non plus l’enthousiasme des Tchèques avant d’entrer dans l’UE.

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