ANALYSES

L’Europe impuissante?

Presse
22 mai 2014

La vague d’euroscepticisme se nourrit notamment des doutes sur la capacité d’action d’une Union européenne parfois perçue comme une chose aussi floue qu’inconsistante et impuissante. Pourtant l’"Europe puissante" est une réalité économique, commerciale, industrielle et agricole, avec une monnaie unique et un marché unique qui regroupe 28 États et plus de 500 millions de citoyens, travailleurs, marchands et consommateurs. Mieux, l’Union européenne dispose d’un pouvoir unilatéral de commandement et de contrainte qui se manifeste par la production d’actes unilatéraux à caractère général et impersonnel doté de la force obligatoire dans les Etats membres. Or précisément cette seule puissance normative ne permet pas à l’Union européenne d’imposer sa volonté, au sein de ses frontières comme en dehors. Sa puissance normative contraste avec son "impuissance coercitive".


Certes, des sanctions de type politique peuvent être appliquées aux Etats, mais elles demeurent difficiles à mettre en œuvre. De plus, les violations du droit de l’Union par les Etats peuvent faire l’objet d’une condamnation/sanction judiciaire prononcée par la Cour de justice, au terme d’un contentieux en manquement pouvant déboucher sur des sanctions pécuniaires. Enfin, l’Union européenne peut également infliger des sanctions de nature administrative (essentiellement dans le domaine du droit de la concurrence) et pénale à l’égard des particuliers, sujets du droit de l’Union communautaire à part entière.


Il n’empêche, les pouvoirs de sanction font par trop défaut à une Union européenne souffrant encore d’un déficit de force publique interne et externe. Non seulement l’administration de l’Union est trop limitée pour pouvoir agir sur l’ensemble du territoire européen, mais il n’existe ni police, ni diplomatie (la création d’un service diplomatique ne suffit pas pour mener une véritable politique étrangère commune), ni armée (ou politique de défense) européennes digne de ce nom. Les unités de coopération judiciaire (Eurojust) et policière (Europol), comme le service européen pour l’action extérieure et les structures de coopération des armées nationales restent marquées par un champ d’action et des moyens strictement limités. A défaut d’un développement de l’intégration européenne dans ces matières régaliennes, la crise ukrainienne a le mérite d’illustrer de nouveau les limites du soft power européen et de la puissance d’attraction du marché unique de l’Union…


L’Union est incapable de faire respecter par la force le respect de ses valeurs, de ses intérêts, de ses actes, bref de garantir la réalisation effective de sa propre volonté. Celle-ci repose in fine sur les moyens coercitifs et le pouvoir contraignant de ses propres Etats membres. Cette réalité dénote la carence structurelle de l’Union européenne.


Ainsi, alors que l’on s’interroge sur l’"impuissance de l’État" dans un monde globalisé et financiarisé, l’Union européenne ne dispose pas des moyens nécessaires à l’expression d’une véritable "volonté de puissance". Ce double déficit de puissance (nationale et européenne) explique en partie le désenchantement démocratique de nos concitoyens.

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