14.11.2024
Coupe du monde : le foot, continuation de la politique par d’autres moyens ?
Presse
30 mai 2014
Dans un monde où les rivalités nationales persistent mais se règlent moins souvent qu’autrefois par le sort des armes, où les frontières n’ont pas disparu mais sont plus poreuses, où les peuples doutent de leur identité et de leur avenir, le sport offre des réponses aux pertes de repères et aux volontés d’exister. Dans un monde où le concept de puissance régit encore les relations internationales mais a vu cette définition très largement modifiée par rapport au siècle précédent où le «soft power», la puissance douce, occupe un espace de plus en plus large, où l’image, la popularité deviennent des facteurs plus certains et plus pérennes de suprématie que la force brute et imposée, le sport est devenu un élément essentiel du rayonnement d’un État et plus largement de tous les acteurs qui se bousculent sur la scène internationale.
Machiavel pensait qu’il valait mieux pour un prince être craint qu’être aimé. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Être craint oblige à des rapports de contraintes permanents qui peuvent s’avérer usants et épuisants et obligent à fournir une énergie qui pourrait être plus avantageusement utilisée. De surcroît, ce n’est pas fiable sur le long terme. Être aimé permet une suprématie acceptée et donc durable. Le sport est devenu un élément essentiel de cette affection sur le plan international.
L’exploit sportif, le rayonnement d’un champion ou d’une équipe permet d’en susciter l’admiration et le respect au-delà des loyautés purement nationales. Le sport occupe désormais dans l’espace public international une place sans commune mesure avec celle qu’elle occupait dans le passé. Le premier match de l’équipe de France dans une Coupe du monde en Uruguay avait donné lieu à dix-huit lignes de compte rendu dans l’Auto, le grand journal français de l’époque. Rien à voir avec l’espace médiatique global que devrait prendre la Coupe du monde qui démarrera au Brésil le 12 juin 2014. Aujourd’hui, la presse généraliste, les radios, télévisions, réseaux sociaux, tout le monde parle de sport, qui est devenu un fait social total. Dans le «village global» qu’est devenu la planète, les champions sont les habitants les plus connus et le plus populaires. Tout le monde ou presque a entendu parler de Cristiano Ronaldo. Qui connait le nom du Premier ministre du Portugal? Qui se souvient du nom du président du Brésil en 1970 lors de la Coupe du monde au Mexique? Celui de Pele est gravé à tout jamais dans les mémoires.
Le sport et la mondialisation entretiennent des rapports dialectiques. La mondialisation qui contracte le temps et l’espace a donné une plus grande visibilité au sport.
À de rares exceptions près, les leaders politiques les plus connus sont aimés par les uns et rejetés par les autres, les grands écrivains, les artistes, s’ils sont respectés ne suscitent pas un enthousiasme immédiat et collectif, à l’exception de quelques acteurs et chanteurs.
Le nombre de personnes qui suivent ou parlent de sport est énorme. C’est donc un moyen efficace et direct de toucher le public et l’opinion. Au moment où l’opinion occupe une place de plus en plus importante dans la décision internationale, le sport est devenu l’une de ses préoccupations majeures. De quoi lui donner un rôle stratégique non négligeable.
Le sport et la mondialisation entretiennent des rapports dialectiques. La mondialisation qui contracte le temps et l’espace a donné une plus grande visibilité au sport. Celui-ci a accéléré et élargie les effets de la mondialisation, tout en contribuant à lui donner un visage humain.
Le sport aujourd’hui c’est donc plus que du sport. C’est de l’émotion bien sûr, du plaisir, des vibrations, des moments de désespoir, de fraternité, de partage, etc. Mais c’est aussi de la géopolitique.