L’Iran, 25 ans après la mort du Guide suprême Khomeiny
Il y a 25 ans mourrait le Guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Khomeiny. Il est à l’origine de la révolution islamique de 1979 fondant la République islamique qu’il a gouverné jusqu’à sa mort le 3 juin 1989. Son successeur Ali Khamenei a été élu Guide suprême à vie par l’Assemblée des experts. Aujourd’hui il occupe toujours la plus haute fonction de la République islamique.
Alors que reste-t-il de l’Iran de Khomeiny 25 ans après sa mort, l’arrivée à la présidence de Hassan Rohani, plus modéré, peut-elle contrebalancer la toute-puissance du Guide suprême ? Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran, est interrogé par Audrey Radondy
La fonction de guide suprême représente le principe de la Velayat-e faqik en Iran, c’est-à-dire la supériorité du religieux sur le politique. Donc, le poste de guide est la clef de voûte de la République islamique d’Iran. Pour l’instant, il n’y a eu que deux personnalités qui ont occupé ce poste, c’est l’Imam Khomeiny et Ali Khamenei, l’actuel guide suprême. Il est très clair, même si ca ne peut pas être directement dit en Iran, qu’il y a une contestation sourde de ce principe-là par la modernisation de la société depuis la révolution. En plus, avec les évènements de 2009, quand le guide a validé la réélection d’Ahmadinejad, cela a beaucoup entamé sa légitimité auprès de beaucoup d’Iraniens qui ne l’ont plus vu comme un simple arbitre mais comme prenant parti. C’est un sujet très difficile à aborder en Iran parce que c’est tabou et c’est un marqueur idéologique fort. Par exemple, si on considère qu’on est contre la Velayat-e faqik, on est sorti du cercle des partis politiques autorisés en Iran.
Khomeiny avait dit que pour occuper ce poste de guide suprême, il fallait que ce soit un religieux mais qu’il soit beaucoup plus au courant des affaires du monde que de la religion elle-même. Donc, en fait, le poste de guide suprême est par essence un poste politique mais il y a aussi une question de rapport de force qui s’est établi avec les différents pouvoirs et notamment, il y a toujours un rapport de force, quelque part, entre le guide suprême et le président. Finalement, on a vu que ce n’était pas simple, même pour Khamenei de gérer la présence d’Ahmadinejad parce que ce dernier avait manifesté, même clairement, son opposition (ce qui se fait rarement en Iran) au guide et on peut penser que finalement, le guide se sente presque plus en confiance avec Rohani. D’un autre côté, ce qu’on peut dire dans le cadre de Rohani, c’est qu’il a quand même fait pas mal de promesses pour redresser l’économie mais également en matière d’ouverture politique de l’Iran, et de défense des droits de l’homme qui pourrait l’amener à s’opposer d’une certaine façon à la vision qu’a Khamenei de ce que devrait être l’Iran. Par exemple, ce que je pense, c’est que si Rohani marque des points sur la question du nucléaire, si l’économie se redresse, on pourra sans doute avoir non pas une opposition mais disons plus un rapport de force neutre entre le président et le guide. Mais cela passera d’abord par le fait que l’Iran arrive à un accord sur la question du nucléaire.
Il y a une société qui se transforme avec un niveau d’éducation plus élevé et qui veut très clairement des relations normalisées avec l’Occident et notamment les États-Unis. La question de l’opposition aux États-Unis est également un marqueur idéologique fort. L’anti-américanisme est d’ailleurs né avec la décision de Khomeiny de valider la prise d’otage de l’ambassade des États-Unis. Donc, l’anti-américanisme est un élément fort mais on voit très bien que finalement, la société iranienne veut une normalisation de ses relations avec les pays occidentaux. Je pense que l’Iran est engagé dans une phase de transition qui peut se normaliser tout en gardant ses objectifs, notamment de puissance régionale.