Sport et mondialisation, unis par un lien dialectique
Être le pays hôte de la Coupe du monde est l’objet d’une compétition aussi farouche que celle pour y obtenir la victoire finale. Longtemps, la Coupe du monde a été un duopole européo-sud-américain. Uruguay, 1930; Italie, 1934; France, 1938; Brésil, 1950; Suisse, 1954; Suède, 1958; Chili, 1962; Angleterre, 1966.
Première exception?: Mexique, pays latino-américain certes, mais situé en Amérique centrale, qui hébergea la Coupe du monde en 1970. Ensuite, le cycle Europe-Amérique du Sud reprend. Allemagne, 1974; Argentine, 1978; Espagne, 1982; retour au Mexique en 1986; Italie, 1990.
La Coupe du monde 1994 marque une nouvelle étape. Le football veut étendre les frontières de son empire et se lance à la conquête des États-Unis. 1998 voit la France l’accueillir. Puis, la Fifa se lance de nouveau à la conquête du monde, mais de façon pacifique. En 2002, le football débarque en Asie.
Ce n’est évidemment pas la politique de la canonnière et ce débarquement suscite l’enthousiasme des populations locales. La Coupe du monde est coorganisée (la Fifa n’ayant pas voulu choisir entre les deux prétendants et pariant sur un rapprochement politique grâce au sport) par le Japon (plus peuplé, plus riche) et la Corée du Sud (où le football est mieux implanté).
L’Afrique du Sud devient le pays hôte en 2010. Nelson Mandela a joué un grand rôle dans ce succès, et c’était la première fois qu’une compétition sportive mondiale majeure (JO ou Coupe du monde) était organisée sur le continent africain.
Cette organisation a marqué une triple reconnaissance?: celle du démantèlement pacifique du régime d’apartheid?; celle de l’émergence du continent africain et de sa pleine participation au processus de mondialisation?; celle enfin de la contribution de l’Afrique au monde sportif.
À part l’Océanie, le football a donc célébré sa fête mondiale sur les cinq continents. Il revient au pays symbole de ce sport pour 2014, le Brésil, et mettra le cap sur l’Est en 2018, avec la Russie. En 2022, pour la première fois, la Coupe du monde aura lieu dans un pays arabe et musulman, le Qatar.
Le choix est critiqué, mais le vote obtenu en 2010 par 14 voix contre 8 pour les États-Unis est dans la logique d’expansion des pays hôtes et de la recherche de l’universalisme. Il ne serait guère étonnant que la Coupe s’installe en Chine en 2026.
Le nombre de participants et le flux de commentaires n’auront plus rien à voir avec ceux des premières éditions. On est passés d’un espace réduit dans la presse sportive spécialisée à une couverture maximale dans les médias généralistes non sportifs.
Il en est de même dans tous les pays, y compris ceux qui – pour leur plus grand désespoir – ne participent pas à cette fête mondiale. La télévision a créé un stade aux capacités d’accueil illimitées.
Entre la première Coupe du monde et la période contemporaine, plus rien de comparable. Guerre froide, décolonisation, fin du monde bipolaire et mondialisation sont survenues et ont profondément modifié l’impact du sport. Toujours dans le sens d’une croissance exponentielle, soutenue et durable. Et toujours dans le sens d’un intérêt populaire toujours plus vif. Le sport en a bénéficié, mais en a été également un vecteur puissant. Sport et mondialisation sont unis par ce lien dialectique.