L’Afrique une et plurielle sur le plan économique
Faut-il parler des Afriques, vu les très grands contrastes tant du point de vue géographique, historique, culturel, religieux, géopolitique qu’économique?? Ou bien faut-il parler d’une Afrique, au sein de l’Union africaine, vu son rôle réduit dans l’économie mondiale (moins de 3 % du PIB et du commerce mondiaux) et dans l’architecture internationale?? « L’Afrique ambiguë », à la fois une et plurielle, renvoie à des représentations qui oscillent entre l’afro-pessimisme des guerres, des épidémies et des famines et l’afro-optimisme du décollage économique, de la nouvelle frontière de l’économie mondiale ou d’un continent émergent.
Globalement, l’on observe une reprise de la croissance économique depuis le début de la décennie 2000 (supérieure à 5 % en moyenne). Dans un contexte de mondialisation se substituant aux relations post-coloniales et de déplacement de la richesse et de la puissance mondiales, les raisons sont exogènes (allégement de la dette, amélioration des termes de l’échange, accès aux financements extérieurs – plus de 200 milliards de dollars en 2013), diversification des partenaires (les relations commerciales de l’Afrique avec les pays du Sud dépassent 40 %).
Elles sont également endogènes (montée des classes moyennes, urbanisation, transition démographique sauf dans le Sahel, équilibrages financiers, réduction de la conflictualité, réformes institutionnelles, meilleur climat des affaires). Cette croissance largement excluante avec hausse des inégalités conduit également à des coûts environnementaux élevés. Les économies restent vulnérables aux chocs extérieurs (prix des aliments ou du pétrole).
Les classements économiques diffèrent si l’on retient les critères du centre ghanéen AECT en termes de croissance en profondeur (DEPTH)?: D (diversification de la production), E (compétitivité des exportations), P (croissance de la productivité), T (progrès technologique) et H (bien-être des populations). Des pays africains, parfois mal classés quant au PIB, viennent en tête?: Maurice, l’Afrique du Sud ou la Côte d’Ivoire?; le Nigeria, classé première puissance économique de l’Afrique, l’Angola ou l’Éthiopie, connaissant une forte croissance économique, sont mal classés. On peut combiner des critères sociopolitiques et institutionnels (stabilité, légitimité, sécurité), les types de spécialisation (pétrole, mine, forêt, agriculture) et les remontées en gamme de produits dans les chaînes de valeur mondiale.
On peut différencier, alors, les États faillis en conflit, en pré- ou post-conflit (Mali, Centrafrique, Liberia, RDC, Sierra Leone, Somalie), les économies agro-exportatrices caractérisées par des blocages politiques (Érythrée, Madagascar, Zimbabwe), les économies de rente minière ou pétrolière (plus de 20 pays, notamment l’Angola et le Nigeria), les économies exportatrices de produits primaires ayant diversifié leurs économies et transformé leur rente en accumulation (Botswana, Maurice, Ghana, Kenya, Éthiopie, Mozambique, Tanzanie), les démocraties semi-industrialisées (Afrique du Sud). Les trajectoires sont ainsi plurielles. Les acteurs construisent leur modernité avec hybridité des registres?; avec un pied dans l’arbre à palabres, les nouvelles générations sont également branchées sur les technologies de l’information et de la communication. À côté d’une Afrique émergente ou stabilisée sur le plan sécuritaire demeure une Afrique déchirée par la violence.
(1) Auteur de Mémoires solidaires et solitaires. Trajectoires d’un économiste du développement, Paris, Karthala, 2013.