Gaza : une impuissance « volontaire » de la communauté internationale
« Quittez vos maisons. Ne revenez pas jusqu’à nouvel ordre », c’est ce qu’ont pu entendre ce mercredi 16 juillet au matin les habitants du nord de la bande de Gaza. Cela concerne quelque 100 000 personnes. Un ordre sur appel de l’armée israélienne. L’Etat hébreu confirme sa volonté d’intensifier ses frappes sur la bande de Gaza. La médiation égyptienne, qui proposait une trêve des combats, a échoué. Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) évoque sur RFI l’attitude de la communauté internationale face à ce conflit.
En tous les cas, il n’y a pas de volonté d’agir effectivement et ce n’est pas nouveau. Les pays occidentaux et, finalement également les pays arabes et les autres pays, laissent les protagonistes livrés à eux-mêmes. Et comme il y a une disproportion dans le rapport de force entre Israël et les Palestiniens, ce face-à-face est évidemment favorable à Israël. Il y a bien eu John Kerry qui a tenté une médiation, une négociation mais dont on savait à l’avance qu’elle ne déboucherait sur rien, par absence de pression. Effectivement, il y a une impuissance de la communauté internationale, mais c’est une impuissante à la fois volontaire et consciente.
L’échec des pourparlers de paix aurait pu déboucher sur finalement la prolongation de la situation. Ce qui a déclenché la situation, c’est bien sûr l’assassinat des trois jeunes Israéliens et puis l’enclenchement de la violence qui a suivi. Mais effectivement, ces négociations, qui ont duré neuf mois, ont été une perte de temps et ont été là un peu pour masquer le fait que rien n’avançait réellement et qu’il y avait donc un maintien de la situation existante.
L’Union européenne n’a pas vraiment de consensus sur le conflit israélo-palestinien parce que l’Allemagne qui, par exemple, avait pris une position en flèche contre la guerre d’Irak en 2003, serait incapable de prendre une position en flèche sur le conflit israélo-palestinien. L’Allemagne s’interdit de porter tout jugement sur Israël. Et au sein des autres pays de l’Union européenne, il y a plusieurs lignes qui ne sont pas forcément concordantes, certains étant plus solidaires avec Israël, d’autres étant plus critiques du gouvernement israélien. Donc il n’y a pas de position commune, mais de toute façon si cette position commune existait ou a minima, le moins que l’on puisse dire c’est que l’Europe ne fait pas preuve d’un très grand dynamisme, ni d’une très grande énergie pour aller sur ce conflit alors qu’elle est à la fois la première donneuse d’aide aux Palestiniens et le premier partenaire commercial d’Israël. Là encore, l’Union européenne n’est pas sans moyens, mais elle n’a pas envie de les utiliser.
Prise, pour certains, pour une solidarité un peu civilisationnelle avec Israël, pour d’autres une mauvaise conscience par rapport au génocide juif de la Seconde Guerre mondiale, et d’autres aussi parce qu’ils ne veulent pas se distinguer de Washington sur ce sujet.
Gagnant sur le long terme, peut-être pas parce que là, la bataille de l’opinion va être difficilement gagnable pour Israël. Les campagnes de boycott vont certainement s’accentuer, mais tout ceci c’est du long terme. Sur le court terme, effectivement Israël ne risque pas grand-chose, voire rien. Et c’est Israël qui décidera de l’arrêt des bombardements. Il n’y aura pas de contrainte internationale ou extérieure pour contraindre Israël à arrêter ses bombardements. Donc sur le court terme, aucun risque pour Israël, Netanyahu politiquement gagne en interne ; sur le long terme, on peut penser que cela contribuera à dégrader l’image d’Israël mais en même temps, lorsque l’image d’Israël se dégrade, Netanyahu et le clan des durs en Israël disent que c’est la preuve que le monde ne les aime pas.
Oui, c’est parfaitement envisageable. Est-ce que ça déboucherait sur un résultat ? Cela dépendra de la volonté d’Israël de l’accepter et d’en tenir compte. Il faut peut-être tenter de faire quelque chose, mais je doute qu’une mission soit suffisante pour d’une part arrêter les combats, ce qui serait une première étape. Mais quand bien même les combats auront cessé, ce qui arrivera un jour ou l’autre, on en reviendra au statu quo en paix, qui n’est pas tenable. Donc le problème reste le problème de la violence dans cette région et restera posé de façon frontale, y compris lorsque les actuels combats cesseront.
Est-ce que les conflits dans la région en Syrie, en Irak, jouent un rôle dans cette impuissance internationale ? On constate que les Etats sont de plus en plus dans une position non interventionniste.
Oui, il y a le syndrome irakien qui joue un peu. On voit qu’en Syrie, on en est à 150 000 morts sans que la communauté internationale n’ait pu faire grand-chose. Et l’idée de renverser Bachar el-Assad, qui courait dans les chancelleries par la suite, n’a pas débouché sur un résultat concret. Donc il y a effectivement un échec en Irak, un échec en Afghanistan, un échec en Syrie, mais en même temps le conflit israélo-palestinien a son calendrier propre, parce que ce conflit, et finalement l’impuissance de la communauté internationale à l’égard de ce conflit, est bien antérieure aux événements de Syrie ou même à la guerre d’Irak 2003.
En tous les cas, pas suffisamment pour agir. Il y a plutôt une sorte de passivité sans courage. Mais s’il y avait une vraie lassitude, on prendrait le problème à bras-le-corps et on le réglerait. Puis il y a peut-être une lassitude d’une partie des opinions qui estime que ce conflit est décidément sans fin. Mais du côté des chancelleries et du côté des Etats, on ne peut pas tellement parler de lassitude, parce que s’il y a lassitude, c’est volontairement de la part de ces Etats qui ne se sont pas donnés les moyens d’agir.