Sommet Etats-Unis/Afrique : l’économie au cœur des débats
L’objectif premier est de tisser des liens économiques plus solides entre les Etats-Unis et l’Afrique, région prometteuse à la croissance supérieure à celle du reste du monde (le FMI table sur 5,8% en 2015, ndlr). La sécurité – notamment la lutte contre le terrorisme –, la gouvernance et les droits de l’homme seront aussi à l’ordre du jour. L’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a déjà fait plus de 700 morts, sera également évoquée.
Ce sommet est un événement historique : c’est la première fois que les Etats-Unis reçoivent une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains. Seuls la Centrafrique, l’Erythrée, le Soudan et le Zimbabwe n’ont pas été conviés par Barack Obama.
Pendant longtemps, l’Afrique a été perçue essentiellement comme la région qui assurait la sécurité énergétique des Etats-Unis – notamment grâce à son pétrole. En 2000, le Congrès américain a adopté l’Agoa (African growth and opportunity act), accordant des avantages douaniers à certains produits africains, principalement textiles. Depuis, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Afrique ont doublé. Mais ces échanges ne représentaient que 85 milliards de dollars en 2013, contre 210 milliards entre la Chine et l’Afrique.
Les Etats-Unis sont donc très peu présents sur le continent africain par rapport à leur puissance et par rapport au marché potentiel que représente l’Afrique. L’enjeu est aussi sécuritaire : l’investissement est nécessaire pour favoriser l’emploi. Sans perspectives d’avenir, les jeunes africains qui arrivent sur le marché du travail pourraient être séduits par une idéologie extrémiste. Sur le plan stratégique, c’est un risque qui doit être pris en compte.
Je ne parlerais pas d’un « rééquilibrage » mais d’un regain d’intérêt. En 2011, Barack Obama a en effet annoncé un redéploiement des moyens militaires, diplomatiques et commerciaux américains vers l’Asie-Pacifique. De plus, étant le fils d’un Kényan, Barack Obama cherche à prendre de la distance par rapport à l’origine de son père. Par ailleurs, traditionnellement, les démocrates sont moins présents en Afrique que les républicains.
La Maison-Blanche affirme le contraire. Toutefois, il est évident que la fulgurante offensive économique de la Chine sur le continent africain au cours de la décennie écoulée est dans tous les esprits. La rivalité entre Pékin et Washington ne cesse de s’accentuer. Les Etats-Unis cherchent à contrer l’ascension de la Chine en Afrique, et à montrer que les relations Etats-Unis/Afrique sont différentes des relations Chine/Afrique en termes de corruption, de formation de la main-d’œuvre et d’exploitation des ressources naturelles.
[Barack Obama a ainsi souligné dans The Economist : « Mon conseil aux dirigeants africains est de s’assurer que si la Chine construit des routes et des ponts, d’une part ils embauchent des travailleurs africains, d’autre part que les routes ne relient pas seulement les mines au port qui permettra de rallier Shanghaï mais que les gouvernements africains aient leur mot à dire dans la façon dont ces infrastructures seront bénéfiques sur le long terme », ndlr]
Les Etats-Unis sont présents militairement via l’Africom, qui coordonne toutes les activités militaires et sécuritaires américaines sur ce continent. Pour le moment, le quartier général de l’Africom est à Stuttgart en Allemagne, mais ce commandement unifié montre que les Américains ont une vraie stratégie militaire en Afrique.
L’essentiel des missions de sécurité en Afrique a été confié aux pays européens, avec un appui logistique des Etats-Unis, ou à des Etats-pivots alliés des Américains, comme le Kenya ou l’Ethiopie par exemple. Washington n’intervient pas directement avec des soldats au sol, mais les forces du renseignement américain sont bien sûr présentes en Afrique, en particulier dans l’arc sahélo-saharien. Lors de ce sommet, la menace d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et les attaques répétées de Boko Haram seront immanquablement abordées.
Il est évident que l’élection de Barack Obama – le premier président noir de la première puissance mondiale – est hautement symbolique. Elle a suscité d’importants espoirs en Afrique, au même titre que celle de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Cela étant, au-delà du symbole et de certains discours très forts (comme celui prononcé au Caire en juin 2009), la politique africaine de Barack Obama est loin d’être audacieuse ou innovante.
Malgré un certain désenchantement, les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique restent importantes. Historiquement, les deux parties sont liées : les Afro-Américains composent la deuxième minorité du pays (derrière les Hispaniques), et les Etats-Unis ont été très présents dans certains Etats africains, comme le Liberia par exemple.