18.11.2024
Le paradoxe nord-coréen : son échec fait sa force
Édito
29 septembre 2010
Mais, paradoxalement, cet échec fait la force même du régime nord-coréen. Au-delà des discours, il y a un consensus parmi les puissances extérieures. Elles estiment que pour être inconfortable (surtout d’ailleurs pour la population nord-coréenne), le statu quo peut être géré. Tout changement pourrait apporter des bouleversements insupportables. Il y a deux craintes par rapport au régime nord-coréen : qu’il s’effondre brutalement ou, qu’aux abois, il se lance dans une politique agressive soit à l’égard de la Corée du Sud, soit à l’égard du Japon. Un seul missile sur Tokyo ou Séoul (situé à 40 kilomètres de la frontière) aurait un effet catastrophique sur l’économie de ces deux pays et l’économie asiatique en général. La Corée du Nord ne pourrait que perdre un conflit dans lequel elle se lancerait, mais elle pourrait auparavant créer des dégâts immenses.
L’autre crainte est celle d’un effondrement subit du régime. La Corée du Sud, qui a beau vouloir officiellement la réunification, n’est pas pressée que cela se produise. Elle a vu les difficultés qu’a eues l’Allemagne de l’Ouest à absorber l’Allemagne de l’Est. Pourtant l’écart entre les deux pays était nettement moins important que celui existant entre les deux Corées. Par ailleurs, il y avait quatre riches Allemands de l’Ouest pour un Allemand de l’Est moins bien pourvu ; dans le cas de la Corée, il n’y a que deux Sud-Coréens pour un Nord-Coréen. Une réunification trop rapide pourrait donc porter un coup fatal à l’économie sud-coréenne.
Le Japon n’a pas rétabli une relation normale avec son voisin coréen depuis l’occupation et la seconde guerre mondiale. Il craint le comportement erratique de la Corée du Nord mais il craint également qu’une réunification coréenne, au-delà du poids nouveau que cela pourrait donner à ce pays, se fasse sur une base nationaliste anti-nipponne. Quant aux Américains, la menace nord-coréenne est une justification du maintien d’une présence militaire importante dans la région, qui peut ainsi ne pas être présentée comme directement destinée à contrer la menace chinoise et qui, par ailleurs, est partiellement prise en charge par les Japonais et les Sud-Coréens.
Chacun aspire à une sorte de soft landing du régime nord-coréen. Les puissances extérieures fournissent une aide en échange d’une modération du comportement international de Pyongyang et, à terme, on assiste à l’ouverture progressive du régime. Mais la Corée du Nord sait bien que l’ouverture, une fois commencée, ne peut être contrôlée. Aussi elle n’arrête pas de faire des allers et retours entre acceptation du dialogue et provocations.
Alors va pour le statu quo. On s’accommode tant bien que mal de ces provocations, on essaie de gérer rationnellement un comportement apparemment irrationnel. Ce comportement est-il d’ailleurs aussi irrationnel que cela ? Malgré les échecs répétés, malgré l’état catastrophique dans lequel elle a mis le pays, la dynastie créée par Kim Il-sung à l’issue de la seconde guerre mondiale est toujours au pouvoir ! Exemple unique au monde ! N’ayant rien développé, se moquant du sort de sa population, les sanctions ne l’émeuvent guère. Elle n’a rien à perdre sauf le pouvoir. Son échec est le meilleur argument pour qu’elle s’y maintienne.