L'édito de Pascal Boniface

Pierre-André Taguieff : insultes inadmissibles en toute impunité contre Stéphane Hessel

Édito
26 octobre 2010
Le point de vue de Pascal Boniface
Sur son mur Facebook Pierre-André Taguieff avait attaqué Stéphane Hessel, coupable à ses yeux d’être hostile à Israël et plus récemment d’avoir appelé à la campagne de boycott des produits israéliens fabriqués dans les territoires occupés : « Quand un serpent venimeux est doté de bonne conscience, comme le nommé Hessel, il est compréhensible qu’on ait envie de lui écraser la tête.»

Paraphrasant un texte de Voltaire il écrivait :
« un soir au fond du Sahel,
un serpent piqua le vieil Hessel,
que croyez-vous qu’il arriva,
ce fut le serpent qui creva.»

Le MRAP réagissait vivement à cette publication.

Dans un interview donné au JDD.fr, Mouloud Aounit déclarait ses propos inacceptables de la part d’une autorité scientifique du CNRS (où Taguieff est directeur de recherches) et offensants à l’égard de celui qui avait partiellement rédigé la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Contacté par la rédaction du JDD.fr, Taguieff refusa de réagir renvoyant simplement au dernier commentaire posté sur son mur, toujours à propos de Stéphane Hessel : « Il aurait certainement pu finir sa vie d’une façon plus digne sans appeler à la haine contre Israël joignant sa voix à celle des pires antijuifs.»

Interrogé par la Radio J le 20 octobre 2010, Taguieff relativisa la polémique en indiquant que Facebook n’est pas une publication CNRS « on ironise, on lance des formules sarcastiques » il indiquait que sa métaphore du serpent était un mélange d’humour et de sarcasmes et qu’il avait par la suite effacée cette phrase de son mur.

Mais loin de clore la polémique il allait plus loin en déclarant que si « Stéphane Hessel a bien été déporté politique- triangle rouge- à Buchenwald et à Dora, sa maîtrise de la langue allemande lui a permis (comme il le dit lui-même dans ses mémoires), d’obtenir rapidement un emploi au sein de la hiérarchie au service des gardes-chiourmes du camp et il n’a partagé en aucune manière le sort des détenus juifs- triangle jaune- voués quant à eux à des tâches exténuantes jusqu’à leur extermination. Donc quand on le présente comme un rescapé de la Shoah c’est une imposture »

Pour faire bonne mesure, il ajoute « Son identité juive inexistante, il l’utilise quand ça lui sert pour légitimer ses appels à la haine contre Israël.»
Stéphane Hessel serait donc un imposteur qui se serait mis au service des gardes-chiourmes des camps de la mort. Ces propos sont tellement excessifs, scandaleux et pitoyables à la fois que la tentation peut être grande de les ignorer. C’est ce que, dans sa sagesse, Stéphane Hessel a choisi de faire en refusant de s’abaisser au niveau de celui qui le mettait en cause de façon aussi indigne.
Il est cependant plus étonnant que ces déclarations n’aient pas suscité les vagues d’indignation morale et le vacarme médiatique dont notre pays est familier, notamment pour ce qui relève des affaires du Proche-Orient. Le journaliste qui interviewait Taguieff n’a pas jugé utile de se démarquer de ses propos en indiquant simplement « c’est assez fort ce que vous dites, Pierre-André Taguieff. Ne craignez-vous pas qu’il vous attaque en diffamation ? »

Même chose pour le CNRS qui récemment et pour une affaire bien mineure au regard de celle-ci, adressa un blâme au chercheur Vincent Geisser.

Que ce serait-il passé, si Vincent Geisser au micro d’une radio communautaire arabe, s’en était pris aussi violemment à une personnalité française au prestige comparable à celui de Stéphane Hessel, mais qui ne serait pas engagée dans les mêmes combats que ce dernier sur le conflit israélo-palestinien ? Il y aurait eu une tempête médiatique dont Geisser ne se serait pas relevé et qui aurait eu des conséquences sur son statut au CNRS.

Est-ce que le fait que Stéphane Hessel ait mis sa notoriété au service de la reconnaissance des droits des Palestiniens conduits à pouvoir le traîner dans la boue de façon aussi ignominieuse en toute impunité ?

On peut certes penser que tout ce qui est excessif est insignifiant et que donc les propos de Taguieff n’ont absolument aucune signification. C’est ma pente naturelle. Mais alors admettons-le de façon générale et pas en fonction des personnes mises en cause. Dans le contre-exemple que je cite, je ne pense pas que le droit au sarcasme aurait été retenu. Le deux poids deux mesures en la matière, est de moins en moins supportable.
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