Mahmoud Abbas donne raison à Netanyahou et au Hamas
La chaine qatarie Al Jazeera, en collaboration avec le journal britannique The Guardian, a commencé à dévoiler une partie des 1600 documents concernant le processus de paix israélo-palestinienne.
Comme dans l’affaire récente de Wikileaks, il n’y a pas de scoop fantastique. C’est plus la confirmation de ce qui avait déjà filtré et la mise en évidence d’une énorme contradiction entre les positions publiques palestiniennes et ce qui se passe dans les négociations.
Les négociateurs de l’Autorité palestinienne auraient accepté, le 15 juin 2008, qu’Israël annexe la plupart des colonies construites depuis 1967, dans et autour de Jérusalem, à l’exception de Har Homa. « C’est la première fois dans l’histoire israélo-palestinienne qu’une telle proposition est faite » aurait même dit le négociateur en chef palestinien Saeb Erekat, pour lequel « c’est le plus grand Yerushalayim (Jérusalem en hébreu) juif de toute l’histoire juive ». Cela contredit les déclarations publiques de l’Autorité palestinienne. Pour celle-ci, le statut de Jérusalem n’est pas négociable et l’ensemble de la partie conquise en 1967 doit former la capitale du futur État palestinien. Tzipi Livni, premier ministre d’Israël à l’époque, aurait refusé cette proposition afin de conserver Har Homa, Maale Adoumim (près de Jérusalem) et Ariel (au cœur de la Cisjordanie).
Les Palestiniens auraient également envisagé une « solution créative » pour l’esplanade des mosquées sous la forme d’un comité conjoint israélo-palestinien, alors qu’officiellement ils en réclament la souveraineté pleine et entière. D’importantes concessions auraient également été faites sur le droit au retour des réfugiés. Plus gênant encore, le président palestinien aurait été informé de l’intention d’Israël de lancer une offensive sur Gaza à la fin de l’année 2008. Un dirigeant palestinien, Ahmed Qorei, aurait même demandé au gouvernement israélien de renforcer le blocus imposé à Gaza.
Ces révélations, si elles devaient être confirmées, sont terriblement embarrassantes pour l’Autorité palestinienne. Rien d’étonnant à ce que Saeb Erekat les ait qualifiées de « tissu de mensonges ».
Le sulfureux Mohamed Dahlan, suspecté de corruption et en disgrâce, est accusé d’être à l’origine de ces fuites. C’est possible, mais le véritable problème réside, non pas dans l’origine des fuites, mais dans la véracité des révélations.
Elles montrent en effet des négociateurs palestiniens complètement désemparés, poursuivant désespérément un processus de négociation dans lequel ils n’ont aucune marge de manœuvre. L’Autorité palestinienne semble avoir intégré qu’elle doit se contenter de ce qu’on veut bien lui accorder. Ces révélations jettent l’opprobre sur l’Autorité palestinienne qui apparaît, fût-ce implicitement, complice du blocus puis de la guerre de Gaza qui a créé tant de souffrances. Tout occupée à lutter contre le Hamas, l’Autorité palestinienne donne le sentiment de sacrifier la population de Gaza.
Les partisans du processus de paix se réjouissent de ces révélations en disant que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement israélien, il y a bien un véritable partenaire pour la paix. On peut au contraire en conclure qu’elles donnent finalement raison à la droite israélienne qui estime que les Palestiniens sont un peuple vaincu et qu’on peut donc leur imposer les conditions d’une paix. Il n’y a pas grand risque pour l’actuel gouvernement israélien à ne pas donner de réelle substance au processus et ne faire aucune concession importante dans les négociations.
Il n’en subira aucune conséquence négative du fait de la passivité des négociateurs palestiniens qui n’a d’égale que celle de la supposée « communauté internationale ». La stratégie du gouvernement israélien, comptant sur une politique du fait accompli, est en confortée par la faiblesse de l’Autorité palestinienne. Les États-Unis ne paraissent pas jouer un rôle proactif et encore moins pilote, quant à l’Europe elle apparaît singulièrement absente.
Le Hamas sort également renforcé par ces révélations. Elles confirment l’inanité, si ce n’est du processus de paix en tant que tel, du moins de celui qui se déroule depuis quelque temps.
Mahmoud Abbas se comporte comme le président d’un peuple vaincu, qui est soumis à la bonne volonté du vainqueur. Ce schéma peut être satisfaisant à court terme pour l’actuel gouvernement israélien. Mais la paix des vainqueurs est forcément provisoire. Elle exige de maintenir éternellement un rapport de force. Seule une paix entre partenaires égaux est durable et on en est bien loin.