L'édito de Pascal Boniface

Pour Jean-Pierre Chevènement la France n’est pas finie

Édito
17 février 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Jean-Pierre Chevènement a toujours combattu les déclinistes qui estiment que la France n’a plus les moyens d’avoir une politique autonome. Il irrite profondément les Européens fervents et ceux qui font de l’alliance avec les États-Unis une priorité pour la France et l’Europe. Mais même ceux auxquels il s’oppose lui reconnaissent intégrité intellectuelle, vaste culture, sens de l’histoire et profondeur de réflexion. Aussi lorsqu’on ouvre son livre La France est-elle finie ? (Fayard) on sait à l’avance qu’il va répondre par la négative, mais on sait également qu’il ne s’agira pas d’un livre de circonstance, lu aussi rapidement qu’il a été écrit.

Dans ce livre où il retrace son parcours politique qui recoupe une large partie de notre histoire contemporaine, il parle de ses combats avec, mais également contre Mitterrand à propos de l’Europe. C’est bien pour lui la grande affaire et l’essentiel du problème.

Jean-Pierre Chevènement s’inquiète d’un réel risque pour la France de voir son statut diminué. On connaît ses réponses pour les causes les plus récentes. Selon lui, le tournant de la rigueur de 1983 a surtout été le triomphe conjoint du néolibéralisme et de l’orthodoxie européenne. Il continue de penser qu’un autre choix était possible que l’alignement sur l’Europe. Ce dernier a empêché la gauche de réaliser réellement son programme. Le deuxième tournant fut le traité de Maastricht. Jean-Pierre Chevènement dissipe au passage l’idée reçue d’un Mitterrand qui se serait opposé à la réunification allemande : « il était beaucoup trop avisé et utile pour s’opposer à l’unification allemande, dès lors que l’histoire s’était à nouveau mise en marche » écrit-il. Il a voulu encadrer cette unification dans un ensemble européen. Le deal Kohl – Mitterrand, c’était « l’Allemagne unifiée aujourd’hui contre l’Europe unie demain ». Mitterrand avait compris qu’après la réunification l’Allemagne serait le numéro un européen. Il a voulu lui enlever le mark, né avec l’indépendance de la banque centrale, mais déplore Chevènement, c’est en fait l’Allemagne qui allait imposer un mark bis à toute l’Europe.

Mais pour Jean-Pierre Chevènement la cause première des difficultés françaises qui expliquent en grande partie l’attachement jugé par lui aveugle à la cause européenne et au reniement des options de gauche, c’est l’empreinte laissée dans les consciences par l’effondrement de la France en 1940, effondrement inséparable de la saignée de la première guerre mondiale.

Si l’Europe de Maastricht, selon lui, conduit à un destin en peau de chagrin qui n’exige aucun effort, le retour de la France au XXIe siècle comme une nation phare capable de fournir des repères en Europe et dans le monde, n’est pas un projet moins raisonnable que celui de la France libre en 1940. Lui qui est souvent présenté comme antiallemand affirme sur la longue durée que le destin de la France en Europe ne se conçoit pas indépendamment de celui de l’Allemagne. Il propose une république européenne des peuples, qui ne pourra pas être créé sans l’adhésion de Berlin mais qui engloberait la Russie et l’euro Méditerranée. Il reprend son idée d’un dépassement des clivages politiques en faveur d’un choix républicain et il critique l’action de Nicolas Sarkozy qui a, à ses yeux, le triple défaut d’être libéral, européiste et occidentaliste. Passons sur les deux premiers reproches bien identifiés. Pour le troisième, qu’il pourrait d’ailleurs adresser à une partie de la gauche socialiste, il reproche au président d’oublier que la France, dans sa meilleure définition, appartient à la grande famille des nations humaines et secondairement à celle des nations occidentales.
 


 

Tous les éditos