André et ses élucugluksmannations
« Les néocons ça ose tout et c’est même à ça qu’on les reconnaît. » Rendons hommage à André Glucksmann : il permet de réactualiser la formule de Michel Audiard.
Dans un article publié dans Le Monde du 18 février intitulé « Le conflit avec Israël n’est pas central », il estime que les événements en Tunisie et en Égypte viennent confirmer ses analyses. Les manifestations n’ont pas conduit à piétiner les effigies d’Obama ou à brûler des drapeaux américains ou israéliens, elles ne se sont pas faites sur les slogans « Palestine vaincra » ou « mort à Israël ». Cela démontre que le conflit avec Israël n’est pas central et qu’il n’était pas la cause de l’absence de modernité démocratique dans le monde arabe.
Il faut en effet oser beaucoup pour affirmer de telles élucubrations (presque aussi fantaisistes que celles d’Antoine, il y a déjà fort longtemps). Rappelons à André Glucksmann qu’il n’est pas étonnant que les effigies de Barak Obama n’aient pas été pas piétinées. Sans doute trop occupé à d’autres tâches, il n’a pas remarqué que George Bush n’était plus président, et que Barak Obama ne suscite pas le même rejet, ni dans le monde arabe ni sur le reste de la planète. Et si l’on brûlait les effigies de George Bush, c’est en grande partie parce qu’il avait déclenché la guerre d’Irak, que Glucksmann avait soutenue et que Barak Obama avait condamnée dès le départ.
Effectivement, Égyptiens et Tunisiens, en renversant leur gouvernement, avaient avant tout un agenda politique national, quoi d’étonnant ? Ce n’est évidemment pas au nom de la cause palestinienne que Moubarak et Ben Ali ont été chassés du pouvoir. Mais pour affirmer que la cause palestinienne n’est pas un élément mobilisateur et fédérateur dans tout le monde arabe, il faut ne s’être jamais rendu dans aucun de ces pays ou n’avoir pas discuté depuis des lustres avec aucun n’intellectuel arabe. C’est une affirmation purement idéologique qui ne résiste pas au simple examen des réalités.
Gluskmann ne manque pas non plus de culot lorsqu’il attribue aux partisans de la cause palestinienne l’idée selon laquelle la prolongation du conflit serait la seule explication de l’absence de modernité démocratique dans le monde arabe. Une telle affirmation est bien sûr inexacte, mais le problème c’est qu’elle n’est pas avancée par ceux qui se mobilisent pour la paix au Proche-Orient.
Ce qui est par contre vrai, c’est que beaucoup ont fermé les yeux sur la nature répressive du régime Moubarak parce qu’il était un allié d’Israël. Ce qui est également vrai, c’est qu’au nom de la lutte contre la menace islamiste, on a soutenu des régimes corrompus et dictatoriaux comme celui de Ben Ali. Ce qui est également vrai, c’est que de nombreux experts avaient dénoncé le danger de la guerre d’Irak que Glucksmann a soutenue. Ce qui est également vrai, c’est que les événements politiques en Tunisie et en Égypte montrent que contrairement aux thèses des néoconservateurs, dont André Glucksmann, la guerre n’était ni le seul ni le meilleur moyen d’établir la démocratie dans le monde arabe.
Il est pour le moins paradoxal que Glucksmann affirme que le conflit du Proche-Orient n’est pas central alors que manifestement il en constitue son horizon principal et sa grille de lecture quasi unique. C’est ce qui explique par exemple qu’il condamne les bombardements aériens de populations civiles lorsqu’ils sont pratiqués par les Russes contre les Tchétchènes qui, selon lui, stimulent le terrorisme. Lorsqu’il s’agit d’avions américains ou israéliens, il les voit comme une lutte contre le terrorisme.
Et surtout en affirmant que le conflit du Proche-Orient n’est pas central, Glucksmann sous-entend que sa résolution n’est pas urgente. Si la paix arrive, tant mieux, si elle n’est pas possible, il n’y a pas lieu de s’en inquiéter. C’est sa façon de dire, d’ailleurs, qu’il ne faut exercer aucune pression sur le gouvernement israélien. Qui a entendu Glucksmann protester contre la forte présence de l’extrême droite dans ce gouvernement ?