Éviter la tentation d’une solution militaire rapide
L’intervention militaire en Libye a déjà réussi ce qui était son objectif premier : éviter que Kadhafi puisse faire à Benghazi le massacre qu’il avait promis.
Ce succès a été obtenu par la participation active de certains pays, le soutien politique d’autres et la non opposition des pays réticents. Pour une fois, la notion de communauté internationale, si souvent vide de sens, a pu être évoquée avec pertinence.
Que peut-il se passer désormais ? Tout dépend si l’on privilégie une solution politique ou une solution militaire. Cette dernière pourrait être aisément obtenue. Une intensification des bombardements et des combats permettraient, dans des délais relativement courts, de détruire les forces fidèles à Kadhafi et de le renverser. Mais ceux-ci viendraient faire voler en éclats le consensus international autour de l’opération. C’est une chose d’obtenir le départ de Kadhafi, c’en est une autre de l’obtenir dans des conditions qui injurient le moins possible l’avenir. En 2003, Saddam Hussein a été délogé en deux semaines et aujourd’hui, l’Irak n’est toujours pas stabilisé.
À partir du moment où la Libye est entrée dans une guerre civile, il n’y a pas de solution qui soit entièrement satisfaisante. Il faut trouver la moins mauvaise possible.
Le plus important pour la Libye et l’ensemble de la région, c’est d’éviter de donner corps à l’interprétation d’une guerre occidentale contre un pays arabe et de maintenir l’actuelle coalition, en faisant en sorte que les pays qui étaient favorables à l’opération ne changent pas d’avis ou et que les pays réticents continuent à ne pas s’y opposer.
Continuer au même rythme et à la même intensité les bombardements actuels peut prendre du temps. Il y a toujours le risque d’une bavure qui pourrait modifier totalement les perceptions. À force, la coalition apparaîtrait comme cobelligérante au côté des insurgés.
La résolution de 1973 ne prévoit pas le renversement de Kadhafi. Cependant, son maintien au pouvoir ne peut que prolonger le conflit. Il est désormais dans l’incapacité de regagner les positions perdues mais peut conserver celles qu’il occupe actuellement.
Il pourrait être judicieux, non pas d’arrêter, mais de suspendre prochainement l’opération. Quitte à la reprendre si Kadhafi s’en prenait de nouveau aux civils.
Il faut accepter qu’il n’y ait pas une solution rapide au problème libyen. À terme, le régime de Kadhafi, coincé entre l’opposition interne et les sanctions internationales, est condamné. Ce n’est pas une question de jours ou de semaines, peut-être de mois, cela n’est pas tout à fait satisfaisant mais est préférable. Décapiter le régime Kadhafi peut être fait rapidement mais apparaîtra comme une victoire militaire de l’extérieur. Le garrotter de façon collective permettra de le faire tomber par décomposition interne et obèrera moins le futur de la Libye.