L'édito de Pascal Boniface

Aubry, Fabius, Ramadan: les ambiguïtés persistantes du P.S

Édito
29 mars 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Martine Aubry et Laurent Fabius ont retiré leur signature de la pétition « Non au débat-procès sur l’islam » au motif de la présence sur la liste de Tariq Ramadan.

Cette réaction est inhabituelle, curieuse et regrettable.

Inhabituelle car, si l’on s’engage, c’est pour un texte et non en fonction des autres signataires, dont il est toujours difficile de connaître la liste exacte. Signer un texte n’a jamais signifié être d’accord sur tout avec les autres signataires.

Curieuse car peu motivée. Ce retrait de signature n’a pas été réellement explicité. Le seul nom de Tariq Ramadan semble provoquer l’affolement, la crainte d’être gravement contaminé en étant à ses côtés, fût-ce pour une cause à laquelle on dit croire profondément. Les médias ont évoqué quelques motifs : Ramadan est proche des Frères musulmans. Mais peut-on assimiler quelqu’un à son grand-père, qui fut effectivement le fondateur de ce mouvement ? On lui reproche également de ne pas s’être déclaré en faveur de l’interdiction de la lapidation et de n’opter que pour un simple moratoire. Mais un moratoire n’est-il pas le premier pas vers l’abrogation ? N’accueillerait-on pas avec satisfaction le principe d’un moratoire sur la peine de mort en Chine ou aux États-Unis par exemple ? On parle souvent du double langage de Tariq Ramadan sans nous en apporter de preuves réelles et souvent à partir de citations tronquées.

La question centrale devrait être : Tariq Ramadan a-t-il publiquement lancé des appels à la haine, des diatribes enflammées, a-t-il essayé d’empêcher untel ou unetelle de s’exprimer ? Non ! A-t-il été condamné par la justice française pour des propos racistes ? Pas plus. Il est en fait diabolisé par une grande partie du milieu politico-médiatique depuis son article sur les intellectuels communautaires de 2003. Mais ceux qui avaient dénoncé l’antisémitisme de ce texte n’ont pas porté l’affaire devant les tribunaux. La dénonciation du communautarisme de certains intellectuels qui s’auto-présentent comme universalistes semble être un crime imprescriptible sur le plan médiatique. Ce qui est en réalité reproché à Ramadan, c’est sa position sur le conflit israélo-palestinien. En refusant de figurer à ses côtés à propos d’un texte qu’ils jugeaient de façon élogieuse, Aubry et Fabius montrent que ce conflit israélo-palestinien reste un tabou au PS.

Le retrait de signature est surtout regrettable. Un texte fait pour dénoncer la montée des sentiments anti-musulmans ou anti-Arabes a finalement conduit à une nouvelle stigmatisation de ces derniers. Ce que ce retrait signifie, c’est qu’il y a des causes pour lesquelles le soutien est inconditionnel et d’autres où il est conditionné. On peut bien s’engager pour dénoncer la stigmatisation des Arabes et des musulmans mais seulement sous de strictes conditions, ici l’exigence d’une liste de signataires où nul ne soit contesté par l’élite médiatique.
Un type d’exigence qui n’existe pas lorsqu’il s’agit de dénoncer l’antisémitisme, de réclamer l’abolition de la peine de mort, de demander la libération des prisonniers politiques emblématiques etc. Dans ces cas-là, on accepte de figurer à coté de personnalités ayant tenu des propos tout à fait condamnables sur les Noirs et les Arabes, d’individus connus pour recourir de façon quasi-systématique au mensonge dans le débat public ou pour avoir soutenu des guerres illégales qui faisaient de nombreuses victimes civiles. Bref, une nouvelle fois un « deux poids deux mesures » qui ne peut que choquer et nourrir un mal que l’on dit vouloir combattre.
 


 

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