Pourquoi les théories du complot prospèrent ?
C’est à cette question que Bruno Fay veut répondre dans son livre Complocratie (Éditions Du moment, 274 pages). L’axe central de son livre concerne bien les attentats du 11 septembre 2001 qui, pour beaucoup – y compris et surtout aux Etats-Unis – auraient été organisés directement par le gouvernement américain. Mais ce déni de la réalité provient également d’autres affaires qui n’ont jamais été résolues, comme l’assassinat du Président Kennedy entre autres exemples.
Dans un essai argumenté et solide, Bruno Fay offre des clés de compréhension. La théorie du complot se nourrit avant tout d’un recours trop fréquent aux mensonges de la part des autorités. Du coup tout ce qui est officiel est discrédité aux yeux de certains. Mais cela n’a pas que des inconvénients pour le gouvernement. À s’escrimer sur de faux complots, on néglige de s’occuper des véritables scandales.
« Le doute cartésien saint et légitime laisse place peu à peu à une remise en question systématique de l’actualité. Le succès des théories du tableau traduit la naissance d’un nouveau conspirationisme ordinaire de masse qui se nourrit des mensonges nos sociétés » (page 35).
Comment imaginer que les entorses à la vérité répétés à longueur d’interview ne soient pas sans conséquence sur l’opinion publique ? En désacralisant la parole officielle, en s’arrangeant avec les réalités, les hommes et femmes politiques donnent du grain à moudre aux rumeurs. Bruno Fay estime par exemple que si Nicolas Sarkozy est capable de mentir sur une question aussi dérisoire que sa présence à Berlin ou non le jour où le mur est tombé, comment savoir s’il ne ment pas sur des sujets plus essentiels comme l’attentat de Karachi, les raisons de l’engagement de la France en Afghanistan ou la réalité de la menace nucléaire iranienne ?
Comment lutter contre les théories du complot ? L’insulte, les procès d’intention et les amalgames sont les armes de destruction massive fréquemment utilisées par les médias hostiles aux théories du complot. « Diaboliser les conspirationistes c’est leur faire de la publicité » estime l’auteur (page 84). Il propose de passer de la critique de la théorie du complot à la critique des complots établis.
Selon lui, ce n’est pas tomber dans la théorie du complot que de dire que les attentats du 11 septembre 2001 sont, pour les néoconservateurs, l’occasion rêvée de mettre en oeuvre le changement politique qu’ils appelaient de leurs vœux depuis longtemps.
Bruno Fay estime que le récit héroïque de la révolte des passagers ne serait qu’une légende façonnée pour dissimuler la décision du ministère de la Défense de faire abattre le vol United Airlines 93.
Il déclare que la frontière est de plus en plus difficile à tracer entre l’émission d’une agence de communication traditionnelle, une société de conseil en intelligence économique et en relations publiques et une officine privée de renseignement.
Il serait injuste d’accuser en bloc les médias d’être à l’origine du conspirationisme ordinaire mais il serait tout aussi erroné d’éluder leurs responsabilités.
Les blogueurs, les sites alternatifs, les forums collaboratifs sont autant de réponses à la faillite des contre-pouvoirs traditionnels, ils illustrent une crise de confiance dans les canaux d’information classique.
Un livre documenté, qui évite les raccourcis et les dénonciations faciles, pour apporter une véritable réflexion sur un phénomène dont on peut craindre qu’il ne disparaisse pas du paysage de sitôt.