L'édito de Pascal Boniface

France Qatar: diplomatie sportive

Édito
23 juin 2011
Le point de vue de Pascal Boniface

Al Jazeera vient de créer la surprise en se positionnant sur l’achat de droits télé du football français. Un fond d’investisseurs qatari vient de racheter le Paris Saint-Germain et veut en faire un club européen de premier plan, peut-être que l’Émir du Qatar et Nicolas Sarkozy ont évoqué le dossier en marge de leurs discussions sur la Libye, où les deux pays sont conjointement engagés. Tout ceci doit être lié à l’organisation de la Coupe du monde de football de 2022 que le Qatar a obtenue également à la surprise générale. L’incrédulité rejoignait la stupéfaction. L’un des pays les plus petits du monde va organiser le plus important événement sportif mondialisé. Mais cette victoire n’est pas isolée. Le Qatar, a été choisi peu après pour recevoir le mondial de handball pour 2015. Il a accueilli en janvier la Coupe d’Asie de football, après avoir été l’hôte des jeux asiatiques il y a quatre ans. Il postule pour l’organisation des mondiaux d’athlétisme de 2017. Doha organise également le premier tournoi de tennis professionnel de l’année. L’épreuve cycliste du Tour du Qatar attire coureurs et médias. La Qatar Fundation est devenu le premier sponsor maillot de l’histoire du FC Barcelone.

Ces résultats sont extraordinaires pour un pays de 11 000 kilomètres carrés, et 1 500 000 habitants, dont seulement 300 000 nationaux, mais qui possède la deuxième réserve mondiale de gaz et est riche en pétrole.
Le Qatar incarne plus que tout autre État, ce qu’on pourrait qualifier de « diplomatie sportive ». C’est le produit d’une réflexion globale sur la mondialisation, d’une analyse astucieuse des nouveaux rapports de force internationaux et d’une farouche volonté nationale d’exister dans un environnement troublé.

À l’heure de la globalisation, la notion de puissance est profondément modifiée. Certes la puissance dure (hard power), les forces armées, l’étendue du territoire et le PNB continuent d’être des facteurs importants, mais ce qu’on appelle la puissance douce (soft power), l’image et l’attractivité sont devenues centrales. La popularité du sport, son caractère fédérateur, le fait que les passions qu’il suscite s’affranchissent des barrières frontalières en font un élément central de la vie internationale. Les vedettes sportives sont devenues les habitants les plus connus et les plus populaires du village mondial qu’est devenue la planète. Le sport, par ailleurs, rapproche les peuples et est un élément d’ouverture sur l’autre.

Le Qatar est un petit pays riche. Il est donc à la fois puissant et fragile. Il vit dans une zone géopolitique particulièrement troublée, synonyme depuis trop longtemps de crises et de conflits. Il craint les appétits d’une Arabie Saoudite trop proche culturellement et la menace d’un Iran trop éloigné stratégiquement. Le Qatar n’a ni les moyens, ni la volonté de se constituer une armée suffisamment forte pour contrer les éventuelles menaces multiformes qui pèsent sur lui. Le hard power classique est hors de sa portée. Il a donc choisi délibérément de miser sur le soft power pour être un point reconnu de tous sur la carte du monde. Al-Jazeera est à la fois une vitrine et une tribune exceptionnelle. Le sport est le second volet de cette stratégie. Les investissements que le Qatar a réalisés dans ce domaine, pour important qu’il soit, sont mineurs par rapport à l’enjeu de l’existence dans un monde globalisé.

Il doit cependant faire attention à se faire accepter par le public français. La richesse crée des jalousies dont il faudra tenir compte, car elle se greffe sur l’hostilité diffuse de la province à l’égard du club de la capitale. Il faudra gagner une légitimité nationale.
 


 

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