14 juillet : une polémique bien française
Le week-end du 14 juillet a vu se déclencher une belle polémique à propos du traditionnel défilé militaire. Certains y verront l’illustration d’une autre tradition française : se déchirer sur des sujets en apparence mineurs par rapport aux enjeux que constituent l’avenir de l’euro, la crise économique, l’Afghanistan, etc. Mais c’est justement parce qu’elle porte sur des symboles que cette polémique a pris cette ampleur. Les symboles ont une importance capitale.
1) Il est certain qu’organiser un défilé militaire aussi important, fait de la France une exception parmi les pays démocratiques. Il n’y a pas d’équivalent par exemple aux États-Unis ou au Royaume-Uni où pourtant le patriotisme est indiscutable.
2) Cette exception a des racines historiques. C’est en 1880 que le 14 juillet a été désigné comme fête nationale et qu’on a prévu d’y associer un défilé militaire. Le pays était encore traumatisé par la défaite contre l’Allemagne (la première subie face à un pays seul et non une coalition d’états), la République venait d’être instituée avec une seule voix de majorité. Il fallait redonner confiance, fierté et unité à la nation. Le défilé a depuis été conservé, sauf au cours de l’occupation allemande.
3) Bien sûr, les raisons qui ont conduit à créer ce défilé n’existent plus aujourd’hui. Mais c’est le propre même des traditions. Perpétuer une cérémonie dont l’origine historique s’est estompée depuis longtemps, mais qui est devenu un rituel identitaire.
4) Comme souvent, la portée des accusations a été largement exagérée. Si le défilé militaire est une exception française au sein des pays démocratiques, il ne fait pas de la France un pays plus agressif ou plus va-t-en-guerre que les autres. Si Eva Joly s’élève contre le défilé, ce n’est pas parce qu’elle est née en Norvège mais qu’elle appartient au mouvement politique Les verts, qui a toujours été réticent face à ces manifestations. Ce n’est pas parce qu’elle est en désaccord avec cette manifestation particulière de patriotisme qu’on peut lui faire un procès de non patriotisme.
Rappelons au passage que Les verts participaient au gouvernement Jospin de 1999 qui est rentré en guerre avec les autres pays de l’OTAN contre la Yougoslavie à propos du Kosovo.
5) Le défilé militaire reste un succès populaire. Des dizaines de milliers de personnes se pressent sur les Champs-Élysées, des millions devant leur télévision sans pour autant ramener ce public populaire et familial à des amateurs de guerre fraîche et joyeuse.
6) Cela reste un moment important pour les militaires, toujours très sensibles à la question du lien armée-nation et à la reconnaissance que cette dernière leur accorde. Supprimer le défilé serait certainement vu par les militaires comme une ingratitude ou un abandon du reste du pays à leur égard.