Juppé a évité la catastrophe dans laquelle BHL a failli plonger la France
Bernard-Henri Lévy vient de publier un livre La guerre sans l’aimer, qui bénéficie d’une promotion médiatique dont l’ampleur laisse songeur. La servilité et l’incompétence l’emportent trop souvent dans les commentaires. L’auteur y raconte qu’il a demandé au président Sarkozy, le 5 mars 2011, d’écarter Alain Juppé de l’affaire libyenne. Le ministre des Affaires étrangères a en effet été mis devant le fait accompli lors de la reconnaissance unilatérale du CNT par la France, le 10 mars, la veille d’un Conseil européen. Pourtant BHL devrait être reconnaissant à Juppé. C’est en effet grâce à ce dernier qu’une catastrophe, dans laquelle BHL a failli plonger la France, a été évitée.
Selon Le Point du 24 mars 2011, il y eut une rencontre entre Nicolas Sarkozy et les opposants libyens, le 10 mars. Nicolas Sarkozy aurait été jusqu’à évoquer l’opportunité d’une intervention sans mandat international, suggérée par BHL. Le 12 mars 2011 sur RTL, ce dernier réclamait une intervention sans l’autorisation du Conseil de Sécurité des Nations Unies : « Bien sûr que si on attend l’autorisation du Conseil de Sécurité, on y sera encore l’année prochaine, les Chinois et les Russes veulent pas. »
Le 16 mars, Bernard-Henri Lévy propose d’intervenir sans tarder, c’est-à-dire sans mandat car : « Qu’on arrête de nous bassiner avec cette histoire de mandat, cet argument du mandat, cette façon de répéter grotesquement "un mandat, un mandat", cette façon d’attendre pour bouger d’avoir un mandat clair d’un Conseil de Sécurité dont on sait pertinemment qu’il ne le donnera pas. Tout cela est d’une hypocrisie révoltante. »
Et le 17 mars, sur France Inter : « Quand on a levé le blocus de Berlin en 1948, c’était sans mandat. Il y a des situations d’urgence humanitaire où, effectivement, si on n’arrive pas à avoir de mandat, faut y aller sans mandat »
Heureusement, le jour même, le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait la résolution 1973 qui permettait aux pays qui le souhaitent de se joindre à une zone d’exclusion aérienne, dont Alain Juppé fut à la manœuvre, la Russie et la Chine s’abstenant.
Que ce serait-il passé si Nicolas Sarkozy avait suivi la voie que prônait BHL ? La dernière fois que la France est intervenue militairement contre un pays arabe, avec les Anglais, sans mandat des Nations Unies, ce fut en 1956 à Suez avec le succès que l’on sait. Les opérations militaires en Libye ont été beaucoup plus longues que prévues initialement. Sous l’effet des premières frappes et de désertions massives, on pensait que le régime de Kadhafi allait s’effondrer en quelques jours. Il a tenu sept mois.
Sans mandat de l’ONU, la France aurait été contrainte d’arrêter les opérations militaires avant que Kadhafi ne soit renversé. Nous aurions donc cumulé une intervention militaire illégale et une déroute diplomatique ou militaire. Celle-ci a été évitée parce que nous avons la protection d’un mandat international, même si la mission a changé en cours de route. Mais ça c’est une autre histoire…