L'édito de Pascal Boniface

La diversité : un atout ou un boulet ?

Édito
5 avril 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
En France, la diversité est trop souvent vue et présentée comme un problème et non comme un avantage. Elle est généralement traitée par certains responsables politiques et médias par le prisme des problèmes de l’intégration, du mal-être des banlieues et de l’insécurité, et parfois même du terrorisme.
 
Pourtant, elle peut être un atout de première main sur le plan intérieur, par la richesse de l’apport de cultures, et sur le plan extérieur par les capacités de rayonnement qu’elle nous assure. N’est-il pas pour le moins paradoxal, pour ne pas dire fâcheux, que, par exemple, les ambassades des États-Unis et du Qatar à Paris semblent être plus capables de détecter et d’être en phase avec les jeunes talents des quartiers que les propres services de la République française ? Que ces jeunes talents estiment recevoir davantage de reconnaissance de la part de ces deux pays que du leur est significatif.
 
L’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) avait organisé en 2008 un colloque sur le thème "La diversité, un atout pour la France" qui mit notamment en valeur la façon dont les États-Unis utilisent leur propre variété démographique pour multiplier les ponts avec l’ensemble des régions du monde.
 
Dans un monde globalisé, fait de circulation, être capable de disposer, au sein d’un même pays, de multiples facettes, est une aubaine indéniable. Ne sommes-nous pas en train de procéder à l’équivalent d’une révocation rampante d’un nouvel Édit de Nantes ? A-t-on jamais calculé comment cette révocation, qui fit fuir de nombreux protestants, nous a privés d’une très grande richesse ? En quoi cela a-t-il accéléré le déclin relatif de la France ? Et à l’inverse, comment les apports extérieurs de différentes communautés ont enrichi notre pays, lui ont apporté des talents multiples et ont fait briller son image internationale de pays ouvert et accueillant ?
 
L’existence de communautés diverses est une potentialité extraordinaire pour la France, qui doit déjà une grande part de son rayonnement à la richesse de sa palette démographique.
 
Quel rayonnement international pour la France ?
 
Actuellement, on prend le problème à l’envers. On flatte les communautarismes en enfermant des citoyens français dans leur seule appartenance à une communauté d’origine, dans la réticence à accepter de nouveaux talents venus d’autres horizons. Je ne prendrais que deux exemples, parmi mes amis.
 
Pendant ses études, l’universitaire Esther Benbassa, venant de Turquie et résidente d’Israël, s’était vu offrir deux bourses, l’une par la Columbia University, l’autre pour venir étudier à Paris. Elle fit le choix de la France et devint l’une de nos grandes intellectuelles, siégeant aujourd’hui au Sénat en tant qu’élue du Val-de-Marne. Proposerait-on aujourd’hui ce type de bourse aux futures Esther Benbassa ? Ces dernières feraient-elles encore le choix de la France ? On peut craindre des réponses négatives à ces deux questions.
 
La stigmatisation de l’Islam et des immigrés à des fins de politique intérieure risque d’avoir des effets catastrophiques sur notre capacité de rayonnement international. Pour Tzvetan Todorov, fuyant la Bulgarie communiste en 1963, le choix de la France était une évidence. Un intellectuel fuyant une dictature aurait-il aujourd’hui le même réflexe ?
 
Tous ceux qui, depuis des siècles et jusqu’à la fin du XXe, ont fui leur pays, où ils étaient persécutés, pour rejoindre la France, qu’ils voyaient comme une terre d’accueil et d’asile, referaient-ils ce choix aujourd’hui ? Du monde intellectuel à celui des arts, en passant par le sport, combien d’étrangers venus en France ont-ils fait briller cette dernière ?
 
Une politique essentiellement frileuse, voire agressive, nous auto-mutile.
Tous les éditos