L'édito de Pascal Boniface

Un bouclier antimissile contre l’Iran, un système contraire à l’idée de dissuasion

Édito
22 mai 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Le projet de bouclier antimissile sera débattu lors du sommet de l’OTAN de Chicago, confirme le dicton. Sous couvert de programme révolutionnaire, on recycle de vieux projets datant des années 60.
À cette date, Moscou et Washington lancent les ABM (Anti Ballistic Missiles), que le traité Salt 1 de 1972 conduira à abandonner. Trop cher, dangereux et irréaliste, jugèrent ensemble Nixon, Kissinger et Brejnev. Le projet sera par la suite réincarné sous l’appellation "d’initiative de défense stratégique" (rebaptisée "Star wars") du président Reagan dans les années 80. Fin 90 ce sont les "missiles défense" pour, disait-on à l’époque, faire face au danger nord-coréen.
 
L’idée, aujourd’hui, est de se protéger d’une éventuelle attaque iranienne. Au-delà de l’apparent bon sens de ce programme il pose de multiples questions de fond. Ses inconvénients l’emportent largement sur ses avantages.
 
Lorsque Barack Obama a été élu à la présidence des États-Unis, il avait exprimé ses réticences face à ce programme. Il disait qu’il faisait face à une menace dont l’existence était pas prouvée, en utilisant des technologies qui n’étaient pas démontrées, le tout financé par un budget qui n’existait pas. Barack Obama savait également que ce programme créerait des tensions avec la Russie, qui y voyait une menace pesant sur elle. Après l’avoir suspendu, il a changé d’avis, cédant probablement au complexe militaro-industriel américain.
 
La vérité c’est que ce programme n’est qu’une relance de la course aux armements, inutile, coûteuse et dangereuse.
 
Ce système est contraire à l’idée de dissuasion. Il implique que la menace de représailles n’est pas efficace pour dissuader un adversaire potentiel et qu’il faut dès mettre en place un système d’interception et de protection. Dès lors, pourquoi la France devrait y adhérer et conserver une force de dissuasion ? L’une des deux est inutile.
 
Le bouclier antimissile ne sera jamais totalement fiable. Pour une garantie totale, il faudrait être certain qu’aucun missile adverse ne le transperce. Pourquoi l’Iran voudrait envoyer un missile sur le territoire européen ou américain ? Cela serait suicidaire face aux capacités de représailles des Occidentaux.
 
On va de nouveau sortir l’idée d’un régime irrationnel, en confondant la différence de valeurs entre le régime et la rationalité. Le but des dirigeants iraniens n’est pas de mourir en martyr mais de rester au pouvoir. Est-il vraiment nécessaire de se lancer dans un programme aussi coûteux et aussi incertain, qui aura pour effet de tendre de nouveau les relations avec la Russie ? Dans ce domaine également, il ne faut pas suivre aveuglément ceux qui jouent sur les peurs, mais plus se livrer à une véritable réflexion stratégique – inutile de suivre les intérêts du complexe militaro-industriel américain.
 
En son temps, François Mitterrand s’était avec force opposé au programme de "guerre des étoiles" dont Ronald Reagan faisait sa priorité. La France doit aujourd’hui, par la voix de son nouveau président, refuser de fausses évidences, dont la seule finalité est de relancer une course aux armements dangereuse.
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