13.12.2024
Otan, Afghanistan, arme nucléaire : les défis du nouveau Livre blanc sur la défense
Édito
19 juillet 2012
Le moment peut paraître s’imposer. Nouveau président, nouvelle majorité parlementaire, contraintes budgétaires, mutations stratégiques, ouverture d’un débat sur l’avenir du nucléaire, interrogations sur l’industrie de défense, les motifs sont nombreux et concordants pour justifier une remise à plat de notre posture de défense.
La France a eu trois Livres blancs depuis la création de la Ve République.
Le premier, publié en 1972 sous la houlette du ministre de la Défense de l’époque, Michel Debré, explique certainement, par la trace qu’il a laissée dans les mémoires, le prestige de ce type de document en France. La stratégie nucléaire française y a été conceptualisée. De Gaulle avait voulu que la France se dote de l’arme atomique parce que c’était l’arme qui permettait de jouer dans la cour des grands…
Le Livre blanc est venu apporter une rationalité stratégique et théorique à la possession de l’arme nucléaire. Il définissait avec une grande force intellectuelle les concepts de sanctuaire national et des intérêts vitaux. Une définition à la fois géographique et politique permettant une grande souplesse pour les décideurs français et accentuant l’incertitude pour un adversaire potentiel. Il venait graver dans le marbre les fondamentaux de la stratégie gaulliste après la disparition de son créateur.
François Mitterrand n’a pas jugé utile d’en faire un second. Il a adhéré, en les enrichissant et en les développant, aux principes gaulliens dans de multiples interventions.
Ce fut le gaullo-mitterrandisme Édouard Balladur, Premier ministre, qui voulu réaliser un deuxième Livre blanc, chose faite en 1994. L‘objectif officiel était une remise a plat de notre concept de défense. L’objectif réel était de lancer sa candidature aux élections de 1995 .Édouard Balladur voulait marquer son territoire sur ces questions régaliennes, tant à l’égard du président de la République François Mitterrand, en période de cohabitation, que par rapport à celui qui était le challengeur désigné de la droite, Jacques Chirac. Il allait perdre ces deux combats. François Mitterrand imposant son autorité et ses conceptions stratégiques, bloquant la remise en cause de la doctrine de dissuasion que souhaitait Balladur, Jacques Chirac emportant l’élection présidentielle.
Le troisième Livre blanc a été publié en 2008 sur une décision prise dès juillet 2007 par Nicolas Sarkozy. Une commission fut mise en place, procédant à de nombreuses auditions. Parallèlement, un Livre blanc était élaboré sous la conduite du ministère des Affaires étrangères. On peut s’interroger sur la rationalité d’avoir deux Livres blancs différents et non pas une approche unique.
Mais le principal problème est que le Livre blanc de 2008 est clairement apparu comme un exercice d’accompagnement de choix budgétaires et stratégiques déjà effectués.
Qu’en sera-t-il pour 2012 ? Va-t-on organiser un exercice dont l’objectif sera de justifier des réductions budgétaires et faire de l’exercice un trompe l’œil ? Ou va-t-on en profiter pour faire une véritable réflexion stratégique en profondeur ? Y aura-t-il un véritable débat sur le rôle de la France dans un monde en mutation, sur l’efficacité de l’outil militaire ? Va-t-on ouvrir le débat sur l’avenir de la dissuasion, notre participation à l’OTAN, le sort des interventions militaires extérieures après l’échec de l’Afghanistan, sur la condition militaire au XXIe siècle ? Si c’est le cas, il faut prendre de la hauteur et le temps de la consultation. Elle devrait alors être en profondeur et sans tabous. Un tel exercice est incompatible avec une remise rapide du Livre blanc.
Bien sûr, les choix stratégiques ne sont pas indépendants de nos capacités financières. Bien sûr, la loi de programmation à venir doit tenir compte à la fois de l’environnement stratégique et de nos moyens budgétaires. Mais le risque de lier programmation et Livre blanc est, quelle que soit la qualité des membres de la commission, de faire dépendre le Livre blanc de la programmation et non de faire découler la programmation du Livre blanc. Aucun pouvoir – et encore moins de gauche- ne peut admettre officiellement de renoncer à ces capacités, sauf à affronter une tempête médiatique et politique.
Le livre Blanc de 1972 était indépendant de toute loi de programmation. Face à un monde qui a formidablement évolué, il serait utile de faire une véritable réflexion nationale à long terme sur le rôle et la place que la France peut y jouer. Ce qui est beaucoup plus large qu’un exercice d’accompagnement des révisions budgétaires de la défense.