13.12.2024
Syrie et Libye : comparaison n’est pas raison
Édito
22 août 2012
L’ancien président a inspiré cette comparaison raccourcissant fortement le délai de viduité qu’il aurait pu observer. De nombreuses personnalités de l’UMP ont repris cette thématique, ainsi que le philosophe comique troupier Bernard Henri Lévy.
Le nom des deux pays est très proche, il s’agit de deux pays arabes dirigés par des dictateurs, en proie à une contestation réprimée, qui s’est armée. Mais la comparaison s’arrête là parce que la situation est totalement différente. Elle l’est d’autant plus que les événements en Libye rétro-agissent sur ce dossier.
Nous sommes, comme trop souvent sur des sujets stratégiques, face à une opposition entre la posture morale facile sans prise sur la réalité, et une politique responsable qui tient compte des réalités pour les modifier positivement. Le coup médiatique n’est pas compatible avec les réalités stratégiques.
il faut tout d’abord être conscient que si une intervention militaire a pu être possible en Libye c’est qu’elle avait été acceptée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations-unies : la résolution 1973 sur laquelle la Russie et la Chine se sont abstenues. C’est justement le blocage de la Russie et de la Chine qui empêche l’adoption d’une nouvelle résolution. Qui suggère que la France puisse agir militairement et solitairement, sans feu vert de l’ONU ? On l’a fait en 1956 à Suez, et cela n’a pas été une franche réussite.
Si Moscou et Pékin bloquent tout vote au Conseil de sécurité, c’est qu’ils ont eu le sentiment pas vraiment infondé d’avoir été floués dans l’affaire libyenne. Ils avaient accepté de s’abstenir pour permettre une intervention militaire dont le but officiel était de protéger la population de Benghazi sur laquelle Kadhafi avait annoncé un massacre. L’intervention commencée, la France et la Grande-Bretagne en ont changé son sens en cours de route pour en faire une mission de changement de régime et mettre fin au règne de Kadhafi.
C’est parce que nous avons mis à mal le concept de "responsabilité de protéger" sur l’affaire libyenne que nous ne pouvons pas le mettre en oeuvre en Syrie. Il ne s’agit pas de regretter Kadhafi, il s’agit de voir que nous avons sacrifié le court-terme (une victoire politique et médiatique facile) sur le long-terme (développer le concept de la "responsabilité de protéger" comme fondement de l’ordre international futur).
L’environnement libyen et syrien n’est pas le même sur le plan géopolitique. La Syrie, entre Israël et le Liban, l’Irak et la Turquie et le problème kurde est plus compliquée que le cas libyen. D’un point de vue militaire, l’armée libyenne était une proie facile. Ce que l’armée syrienne, par ailleurs dotée d’armes chimiques, ne sera pas.
Au moment où l’on se retire péniblement d’Afghanistan, faut-il ouvrir un nouveau front ? Un sondage publié dans le journal Sud-Ouest montre qu’aux deux tiers, la population française est opposée à une participation militaire de la France en Syrie.
Il faut également prendre en compte le changement de donne stratégique. L’époque où les pays occidentaux pouvaient intervenir facilement dans des pays étrangers et résoudre en quelques temps les conflits, par une intervention militaire où leur supériorité leur procurait une victoire rapide, est révolue.
Malgré la faiblesse de l’armée libyenne, il a fallu sept mois de combat pour mettre fin au régime de Kadhafi. Une intervention militaire occidentale en Syrie risquerait plus de reproduire l’exemple afghan ou irakien que l’exemple libyen.
Voila pourquoi les appels à une intervention militaire occidentale en Syrie sonnent creux. D’ailleurs, les massacres ont commencé avant l’élection de Francois Hollande, et la France n’est pas plus intervenue avant. Et on remarquera que les pays qui ont participé à l’opération libyenne ne sont pas plus prêts que la France à intervenir en Syrie. Il est regrettable que le drame syrien soit pris comme prétexte en France pour des tenter des coups médiatiques. Les syriens qui se battent contre la dictature méritent mieux.