L'édito de Pascal Boniface

Christophe Barbier : la géopolitique, les poncifs et la brosse à reluire

Édito
27 août 2012
Le point de vue de Pascal Boniface
Les éditoriaux de Christophe Barbier sont toujours brillants. C’est leur marque de fabrique. Style impeccable et références culturelles de bon aloi sont garantis. Le problème est que dès qu’il aborde les questions de politique étrangère, il accumule les poncifs et devient binaire. Son éditorial du 22 août (L’express, n° 3190) n’échappe pas à la règle.
 
On frémit à la lecture du titre, "Réponse à BHL", BHL vis-à-vis duquel Christophe Barbier, bien que parfois très mordant à l’encontre de Sarkozy ou Hollande, reste toujours déférent.
 
Récusant l’assimilation d’Alep et de Benghazi établie par BHL, le patron de "L’Express" commence une partie du chemin en expliquant que "cocufiée en Libye, la Russie bloque et bloquera toute action en Syrie" mais il ne poursuit pas la réflexion jusqu’à son terme.
 
En effet, il se glorifie dans ce même éditorial que "L’Express [ait] soutenu plus que tout autre journal l’action inspirée en Libye par Bernard-Henri Lévy et accomplie par Nicolas Sarkozy", qu’il présente comme "une guerre juste".
 
Il devrait donc savoir que c’est justement parce que nous sommes passés en Libye de la responsabilité de protéger, acceptée par Moscou, au changement de régime qu’il est impossible de mettre de nouveau en œuvre cette responsabilité de protéger en Syrie. Et que ceux qui ont voulu changer le sens de la résolution 1973 ont porté un coup quasi mortel au concept de responsabilité de protéger, dont ils demandent désormais l’application en Syrie.
 
 
Emporté par son élan dès qu’il s’agit de l’Islam, Barbier écrit "face à l’islamisme la Russie a fait seulement le sale boulot". Mais de l’Afghanistan à la Tchétchénie, comment ne pas voir que la politique de force menée par Moscou a en partie contribué à développer l’islamisme radical et violent ?
 
Barbier estime que l’action belliqueuse exige une audace et une détermination dont "Hollande, frère des diplomates mais cousin éloigné des militaires, ne semble pas avoir." Le problème est que les responsables militaires français eux-mêmes mettent en avant les dangers de l’illusion qu’une intervention militaire extérieure puisse facilement et durablement résoudre le problème syrien.
 
En 1962, Raymond Aron pouvait décrire et opposer les deux personnages symboliques des relations internationales, le soldat et le diplomate. Depuis, les temps ont quelque peu changé. Parce que justement, les militaires connaissent le coût et les risques de la guerre, ils sont plus réticents, contrairement à certains philosophes, à y voir une panacée. Si La France n’agit pas militairement, ce n’est pas parce que son président est indécis, c’est parce que c’est infaisable dans les circonstances actuelles.
 
Que ceux qui s’inquiéteraient de l’audace avec laquelle Christophe barbier s’est opposé à BHL se rassurent. Sans doute lui-même saisi de vertige face un tel manque de respect, l’éditorialiste corrige le tir en conclusion : il faudrait selon lui "s’enorgueillir qu’un français, intellectuel engagé, demeure le gardien de l’idéal et le veilleur intransigeant de la liberté." Il reste du cirage ?
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