13.12.2024
Pourquoi le projet de l’Europe est en panne (et pourquoi il faut le relancer)
Édito
18 février 2013
Il faut se rendre à la triste réalité pour ceux qui en sont partisans, le projet d’Europe puissance n’avance plus, il semble même s’éloigner.
Certes, la situation est moins grave que l’an dernier lorsque la survie de l’euro était en jeu. Plus personne ne parie aujourd’hui sur la disparition de cette monnaie. Mais cela n’a pas conduit pour autant les pays européens à jouer, dans un monde en voie de multipolarisation, le rôle d’un acteur global.
L’Europe, projet typique de la ligne gaullo-mitterrandiste
L’Europe puissance est un projet typique de la ligne gaullo-mitterrandiste. Mais lorsque le général De Gaulle propose à ses partenaires de bâtir une politique européenne autonome, ils prirent peur. Comment se défendre contre l’Union soviétique sans la protection américaine, surtout pour des pays qui ne n’avaient pas l’arme nucléaire. D’ailleurs De Gaulle ne cherche-t-il pas à substituer l’influence française à la suprématie américaine ? Quitte à avoir un protecteur, autant qu’il soit puissant, c’est ce qu’avait résumé le chancelier Erhard lorsqu’il déclarait "je préfère un gros boum américain qu’un petit boom français."
Mitterrand n’eut guère plus de succès, même s’il a poussé au plus loin l’alliance franco-allemande et enregistre quelques progrès dans la coopération européenne. La disparition de la menace soviétique, qui avait suscité la création de l’alliance atlantique, n’a pas conduit celle-ci à disparaître, au contraire elle s’est fortifiée et élargie. Mitterrand avait mis en garde contre les tentatives de créer une Sainte Alliance.
Le difficile chemin vers l’unité européenne
Un grand espoir avait été levé lors du Sommet de Saint-Malo en 1998. Les Britanniques acceptaient de voir dans l’Europe une opportunité. Les Allemands semblaient plus mobiles et désireux d’avoir une politique internationale plus affirmée, la France comprenait qu’elle devait, dans l’intérêt du projet européen, faire plus de place à ses partenaires.
Si la légalité de la guerre du Kosovo pouvait être questionnée, elle eut pour volet positif de montrer une unité et une détermination européenne. Elle débouche également sur des conclusions positives sur la constitution d’une force de réaction rapide. Les Européens avaient constaté leurs lacunes matérielles et voulaient y mettre fin.
La guerre d’Irak allait faire voler en éclats l’unité européenne, entre ceux qui en étaient partisans et ceux qui y étaient opposés. En fait, le véritable clivage était une fois encore l’attitude vis-à-vis de Washington. Personne n’était convaincu des bienfaits de la guerre, mais certains pays ont privilégié la solidarité avec Washington à tout autre critère et ont donc passé leur réserve sous silence.
L’élargissement de l’Europe la rendait certes plus grande et plus peuplée, mais moins unie. Les nouveaux pays membres vivaient toujours dans la crainte de Moscou. Ils s’alignaient sur les États-Unis et faisaient prévaloir la solidarité atlantique à celle européenne. Depuis ils ont évolué, la Pologne notamment montre sa disponibilité pour un projet européen.
Il faut poursuivre le travail de construction
Depuis, l’Europe semble toujours avoir difficilement présenté une unité. Lors du vote sur l’admission de la Palestine à l’ONU, les membres de l’Union se sont partagés entre le oui, le non et l’abstention. S’il y a soutien à l’intervention française au Mali, c’est un soutien sans participation.
Il y a cependant des facteurs d’espoir. Nous avons, avec Obama, un président américain qui a compris que la constitution d’un pilier européen n’était pas nécessairement contraire aux intérêts américains. Un partenaire fort et indépendant vaut mieux qu’un partenaire soumis mais faible. Aux Européens d’agir.
Il est sans doute temps pour la France de reprendre son travail pour plaider pour une Europe puissance. Une puissance tranquille, pour reprendre la formule de Tzvetan Todorov, respectueuse du multilatéralisme et du droit international.