13.12.2024
Accord entre Américains et Russes : la guerre s’éloigne, le problème syrien demeure
Édito
16 septembre 2013
La perspective de frappes militaires sur la Syrie est éloignée mais la guerre civile, elle, continue pour le plus grand malheur de la population.
Tout bénéfice pour la Russie
S’ils sont parvenus à un compromis, c’est que Russes et Américains estiment en sortir gagnants. Barack Obama évite à la fois le risque d’un vote négatif au Congrès et de voir son leadership écorné, mais aussi d’être engagé dans une nouvelle opération militaire à laquelle il était personnellement réticent. Il n’y allait que contraint et forcé, pris au piège de ses déclarations antérieures sur les lignes rouges à ne pas franchir.
Moscou est également gagnant. Il évite à son allié syrien d’être attaqué. Il montre que sa diplomatie ne se résume pas uniquement à bloquer les initiatives des autres. Poutine et Lavrov quittent leurs habits de "Monsieur non". Le rôle central de la Russie est réaffirmé. Moscou a parlé d’égal à égal avec Washington sur un sujet stratégique majeur et dans un cadre bilatéral. C’est tout bénéfice pour la Russie. Poutine peut montrer à son opinion qu’il a pu faire ce qu’Eltsine avait été incapable de réussir au Kosovo en 1999.
L’accord fait référence au chapitre VII de la charte des Nations unies en cas de non-exécution par la Syrie de ses obligations de désarmement chimique, mais cela ne signifie pas un recours automatique à la force. Moscou restera libre de son vote.
Si l’accord est exécuté, ce sera également une victoire pour la cause du désarmement, en panne, plus de deux décennies après la fin de la Guerre froide et qui n’a pas rencontré d’avancées éclatantes depuis le renouvellement ou une période illimitée du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 1995.
La France ponctuellement isolée
Al-Assad est également gagnant puisque la perspective de frappes qui, certes n’auraient pas pu le déloger du pouvoir, mais auraient pu affaiblir considérablement son dispositif militaire est écarté.
La France, en pointe sur le dossier syrien depuis l’été 2012 et qui la première avait mis l’option militaire sur la table, se retrouve ponctuellement isolée. La Grande-Bretagne a vite fait défaut, l’Allemagne et l’Italie se sont mises aux abonnés absents ; Obama a fait dépendre une intervention américaine d’une décision du Congrès sans trop se préoccuper de Paris puis a privilégié l’approche bilatérale entre Kerry et Lavrov.
Hollande a raison de dire qu’il n’est pas inconvenant d’être lié à Obama (par opposition à une situation qui aurait prévalu avec George Bush à la Maison Blanche).
Il n’en reste pas moins que la diplomatie américaine a toujours du mal à considérer ses alliés comme des partenaires égaux. L’accord de Genève a le mérite pour Paris d’éviter d’entrer dans la situation inconnue et imprévisible qu’aurait ouvert le début des frappes tout en pouvant dire que c’est sa fermeté et la menace de ces dernières qui a amené Moscou et Damas à meilleurs sentiments.
Une simple pause
Si l’accord a été trouvé dans un cadre bilatéral, le multilatéral reprend ses droits avec une transmission de dossier à l’ONU. Pour la France, qui a intérêt à conforter le Conseil de sécurité, c’est la meilleure solution possible.
Le cas syrien n’est pas réglé. Il y a simplement une pause. La guerre civile se poursuit néanmoins et on ne voit pas encore aujourd’hui quels pourraient être les contours d’une solution politique. Mais pour y parvenir, il ne faut écarter aucun des protagonistes du conflit, aussi repoussant qu’il puisse être.