13.12.2024
Conflit israélo-palestinien : François Hollande hésite et… ne prend aucune décision
Édito
24 juillet 2014
Le refus de mettre en place une commission d’enquête internationale est curieux. Pourquoi refuser la recherche de la vérité ? Accepter l’enquête ne signifie pas en accepter les conclusions.
29 ont voté pour, 17 pays se sont abstenus, seuls les États-Unis ont voté contre. Officiellement, c’est pour avoir une position commune européenne que la France s’est abstenue. En l’occurrence, une position européenne commune, si elle doit aboutir à une peu glorieuse abstention, n’était pas un objectif à rechercher. La France a toujours considéré l’Europe comme un multiplicateur de puissance. Elle devient ici un frein et un anesthésiant. Le vote de la France ne peut être que perçu comme une banalisation de sa diplomatie et une volonté de ne pas déranger Israël.
Il faut se rappeler qu’en novembre 2012, lors du vote de l’admission de la Palestine comme État non-membre de l’ONU, après avoir hésité, la France s’est quand même décidée à voter favorablement. L’Europe se partageant en trois positions (pour, contre, abstention).
À l’époque, le Crif et ses amis s’étaient mobilisés pour tenter d’empêcher un vote positif de la France. Ils n’y étaient pas parvenus. Il aurait été incompréhensible que la France s’abstienne au moment où une très vaste majorité d’États votaient en faveur de la Palestine.
La France qui a été très longtemps à la pointe de cette politique de reconnaissance des droits du peuple palestinien ne pouvait se dérober au moment où le monde entier lui faisait droit. Mais François Hollande avait hésité à l’époque et Laurent Fabius, conscient du discrédit international qu’aurait suscité une abstention, avait jeté tout son poids dans la bataille pour obtenir un vote positif.
On voit donc bien que l’argument européen est en fait un prétexte.
Comment expliquer que François Hollande qui, au cours de la campagne électorale de 2012, avait pris comme engagement la reconnaissance internationale de l’État palestinien marquant ainsi une différence avec Nicolas Sarkozy, se montre très en retrait aujourd’hui ?
Il avait déjà surpris en août 2012 devant la Conférence des ambassadeurs lors de son premier grand discours de politique étrangère où il n’avait parlé que du droit à l’autodétermination des Palestiniens sans parler d’un État. Il avait corrigé de sa propre main la version initiale du discours qui parlait d’un État.
À l’ONU, le 25 septembre de la même année, il avait évité également de se prononcer sur la reconnaissance à l’ONU de la Palestine. En novembre 2012, lors de la visite pour une cérémonie d’hommage aux victimes des attentats de Toulouse de Benyamin Netanyahou, il avait exprimé ses divergences sur la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens sans n’en tirer aucune conséquence concrète. Il évoquait la "tentation" de l’Autorité palestinienne d’aller chercher à l’Assemblée générale des Nations unies ce qu’elle n’obtenait pas dans la négociation.
Reprenant la position israélienne, il indiquait "seule la négociation pourrait déboucher sur une solution définitive à la situation de la Palestine". Nul à l’époque déjà, ne pouvait se faire d’illusion sur l’issue de négociations bilatérales entre Palestinien et Israéliens dont Netanyahou dirigeait le gouvernement.
Plus troublant encore, lors d’une visite en Israël en novembre 2013, une vidéo le surprenait en train de célébrer son amitié, non pas avec l’État d’Israël mais avec Netanyahou, qui pourtant est loin d’appartenir à sa famille politique et dont il faut se rappeler la campagne de dénigrement qu’il avait lancée à l’égard d’Yitzhak Rabin, coupable à ses yeux de rechercher la paix avec les Palestiniens par le processus d’Oslo.
Dans les premiers jours des bombardements israéliens sur Gaza, le président de la République avait surpris et choqué en évoquant le droit d’Israël à la légitime défense sans dire un mot sur les victimes civiles palestiniennes de ces bombardements.
J’avoue que je me perds moi-même en conjectures pour comprendre ce changement de position de François Hollande. Lorsqu’il était Premier secrétaire du Parti socialiste, il s’en est toujours tenu sur ce sujet à une posture gaullo-mitterrandiste.
Lorsqu’une campagne a été lancée contre moi au sein du Parti socialiste, après la fameuse note dans laquelle j’écrivais qu’on ne pouvait pas mettre sur le même plan l’occupant et l’occupé et qu’il fallait faire valoir également sur le conflit du Proche-Orient, les principes universels et non le poids des communautés, il m’avait toujours soutenu.
Il est resté membre du Conseil d’administration de l’IRIS de 1998 à 2007, malgré les multiples demandes des présidents successifs du Crif d’en démissionner. En 2006, il avait dit en riant : "C’est surprenant, je viens de voir l’ambassadeur d’Israël et il ne m’a pas parlé de toi."
Qu’est-ce qui a changé entre le candidat et le président ? La crainte de voir lancer de nouveau une campagne en Israël et aux États-Unis contre l’antisémitisme sévissant en France ? Ou des considérations de politique intérieure l’ont conduit à modifier son approche diplomatique du Proche-Orient.
La volonté d’avoir de bonnes relations avec le Crif parce qu’il est persuadé que c’est l’opposition de ce dernier qui a contribué à l’échec de Lionel Jospin en 2002? Pourtant le CRIF s’était engagé massivement en faveur de Nicolas Sarkozy sans pour autant empêcher l’élection de François Hollande en 2012.
Même si le gouvernement français nie qu’il y ait un changement de cap de la politique française à l’égard du conflit israélo-palestinien, cela est largement perçu, mais demeure incompréhensible à bien des égards.
Pascal Boniface est l’auteur de Auteur de "La France malade du conflit israélo-palestinien", aux éditions Salvator, 2014.