13.12.2024
Gaza, Mali… A l’étranger, Hollande n’est ni néoconservateur, ni gaullo-mitterrandiste
Édito
26 août 2014
A presque mi-chemin du quinquennat, et au moment où se tient la traditionnelle conférence des ambassadeurs, quel bilan (provisoire) tirer de la politique étrangère de François Hollande ?
Le plus important n’est pas le plus spectaculaire, et n’est en fait guère visible pour la majorité du public.
François Hollande, le conciliateur, a voulu réparer les relations avec de nombreux pays, qui avaient été mises à mal par le caractère fougueux et souvent clivant de Nicolas Sarkozy. La France avait vu ses relations détériorées avec des pays émergents et partenaires potentiels : Mexique (affaire Florence Cassez), Turquie (contre son entrée en Europe car musulmane), Japon (propos jugés méprisants sur les sumos), Chine (aller-retours sur le Dalaï Lama), Brésil (rejet de la médiation sur le problème nucléaire iranien), Inde, etc. Sans parler des nombreux partenaires européens lassés du mode de fonctionnement de l’ex-président.
Hollande a voulu établir un partenariat stratégique économique avec les grands pays émergents, notamment afin d’attirer leurs investissements en France. Globalement l’idée est de développer les relations avec les pays du G20 dans le cadre d’une diplomatie économique renouvelée. Hollande a vu la totalité des dirigeants de la région l’Asie-Pacifique à part la Corée du Nord, le Népal, le Sri Lanka et le Bangladesh. Jean-Marc Ayrault s’est également beaucoup rendu dans la région ainsi que Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian.
Plus visible, la capacité à réagir en cas de crise, dont l’intervention au Mali est le symbole. C’était une intervention à haut risque (rappelons-nous les premiers commentaires catastrophiques), mais la partie a été gagnée militairement et politiquement. Reste l’inconnue du développement économique du Mali qui est loin d’être du seul ressort de la France. La France a su réagir vite et seule, mais avec un feu vert international. Il en a été de même en Centrafrique.
Certains se sont demandés si la France, devenue adepte de l’interventionnisme militaire n’avait pas pris un tournant néoconservateur. Ce n’est pas le cas, car la grande différence tient au respect du droit international, d’un vote positif du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a marqué les interventions françaises. Il en aurait été autrement en cas de frappes sur la Syrie. La France était au bord d’une intervention militaire en dehors du cadre onusien, mais les hésitations américaines ont permis d’éviter une action qui aurait affaibli notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Une proximité assez nette avec Washington a également nourri ce procès de "tournant néoconservateur".
Vu de Washington, la France a trois atouts :
– une capacité d’action stratégique et militaire globale qui va du renseignement à la force nucléaire,
– une capacité à décider
– une volonté de faire.
Inconvénient, on peut se demander si la France n’a pas remplacé le Royaume-Uni comme allié privilégié de Washington, ce qui peut plaire à certains, mais ça ne constitue pas l’ADN de la diplomatie française. Cela peut dérouter des pays qui attendent autre chose de la France, surtout à une époque où le doute sur Washington se répand. Les écoutes de la NSA ou l’affaire Snowden ont montré une volonté de ne pas mettre de l’huile sur le feu dans la relation avec les États-Unis. Hollande a décidé de traiter les différences avec les États-Unis sans emphase. De Gaulle, Mitterrand ou même Chirac n’auraient pas agi ainsi.
Au Proche-Orient, la France est également en retrait, alors qu’elle était habituée à avoir une position forte et appréciée. Même si les responsables français s’en défendent, il leur est reproché d’avoir pris un virage pro-israélien, alors qu’Hollande avait pris des positions favorables aux Palestiniens durant la campagne électorale. La guerre de Gaza a accru le malaise. Mais cela n’est que la continuation d’une politique suivie depuis la fin du second mandat de Jacques Chirac qui, après 2003 avait fait de la réconciliation avec Israël une priorité. Depuis, la qualité des relations bilatérales n’est pas affectée par les divergences graves sur le processus de paix. La France a une position constante (solution de deux États) mais ne tire aucune conséquence du refus d’Israël de la mettre en œuvre. L’Europe ne joue plus sur le plan stratégique un rôle de multiplicateur de puissance, mais plutôt d’anesthésiant.
Sur le Proche-Orient, la Russie, les relations avec les États-Unis, la priorité est donnée à dégager une position européenne commune. Au prix d’un affadissement des positions françaises. Il faudrait desserrer le frein et ne pas craindre d’affirmer des positions spécifiques, qui peuvent parfois trouver plus d’échos dans le monde qu’en Europe. La prise en compte de la multipolarisation du monde sur le plan économique s’est accompagnée d’un recentrage occidental de la stratégie française.
Hollande n’a donc pas pris un courant néoconservateur, mais n’est pas non plus tout à fait dans la ligne gaullo-mitterrandiste. Hollande le pragmatique n’aime pas être enfermé dans des concepts. Mais il serait bienvenu que le discours qu’il va prononcer jeudi soit l’occasion de définir une vision globale du monde, de la place de la France, car il y a encore l’attente d’un rôle spécifique et particulier de notre pays.
Le plus important n’est pas le plus spectaculaire, et n’est en fait guère visible pour la majorité du public.
François Hollande, le conciliateur, a voulu réparer les relations avec de nombreux pays, qui avaient été mises à mal par le caractère fougueux et souvent clivant de Nicolas Sarkozy. La France avait vu ses relations détériorées avec des pays émergents et partenaires potentiels : Mexique (affaire Florence Cassez), Turquie (contre son entrée en Europe car musulmane), Japon (propos jugés méprisants sur les sumos), Chine (aller-retours sur le Dalaï Lama), Brésil (rejet de la médiation sur le problème nucléaire iranien), Inde, etc. Sans parler des nombreux partenaires européens lassés du mode de fonctionnement de l’ex-président.
Hollande a voulu établir un partenariat stratégique économique avec les grands pays émergents, notamment afin d’attirer leurs investissements en France. Globalement l’idée est de développer les relations avec les pays du G20 dans le cadre d’une diplomatie économique renouvelée. Hollande a vu la totalité des dirigeants de la région l’Asie-Pacifique à part la Corée du Nord, le Népal, le Sri Lanka et le Bangladesh. Jean-Marc Ayrault s’est également beaucoup rendu dans la région ainsi que Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian.
Plus visible, la capacité à réagir en cas de crise, dont l’intervention au Mali est le symbole. C’était une intervention à haut risque (rappelons-nous les premiers commentaires catastrophiques), mais la partie a été gagnée militairement et politiquement. Reste l’inconnue du développement économique du Mali qui est loin d’être du seul ressort de la France. La France a su réagir vite et seule, mais avec un feu vert international. Il en a été de même en Centrafrique.
Certains se sont demandés si la France, devenue adepte de l’interventionnisme militaire n’avait pas pris un tournant néoconservateur. Ce n’est pas le cas, car la grande différence tient au respect du droit international, d’un vote positif du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a marqué les interventions françaises. Il en aurait été autrement en cas de frappes sur la Syrie. La France était au bord d’une intervention militaire en dehors du cadre onusien, mais les hésitations américaines ont permis d’éviter une action qui aurait affaibli notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Une proximité assez nette avec Washington a également nourri ce procès de "tournant néoconservateur".
Vu de Washington, la France a trois atouts :
– une capacité d’action stratégique et militaire globale qui va du renseignement à la force nucléaire,
– une capacité à décider
– une volonté de faire.
Inconvénient, on peut se demander si la France n’a pas remplacé le Royaume-Uni comme allié privilégié de Washington, ce qui peut plaire à certains, mais ça ne constitue pas l’ADN de la diplomatie française. Cela peut dérouter des pays qui attendent autre chose de la France, surtout à une époque où le doute sur Washington se répand. Les écoutes de la NSA ou l’affaire Snowden ont montré une volonté de ne pas mettre de l’huile sur le feu dans la relation avec les États-Unis. Hollande a décidé de traiter les différences avec les États-Unis sans emphase. De Gaulle, Mitterrand ou même Chirac n’auraient pas agi ainsi.
Au Proche-Orient, la France est également en retrait, alors qu’elle était habituée à avoir une position forte et appréciée. Même si les responsables français s’en défendent, il leur est reproché d’avoir pris un virage pro-israélien, alors qu’Hollande avait pris des positions favorables aux Palestiniens durant la campagne électorale. La guerre de Gaza a accru le malaise. Mais cela n’est que la continuation d’une politique suivie depuis la fin du second mandat de Jacques Chirac qui, après 2003 avait fait de la réconciliation avec Israël une priorité. Depuis, la qualité des relations bilatérales n’est pas affectée par les divergences graves sur le processus de paix. La France a une position constante (solution de deux États) mais ne tire aucune conséquence du refus d’Israël de la mettre en œuvre. L’Europe ne joue plus sur le plan stratégique un rôle de multiplicateur de puissance, mais plutôt d’anesthésiant.
Sur le Proche-Orient, la Russie, les relations avec les États-Unis, la priorité est donnée à dégager une position européenne commune. Au prix d’un affadissement des positions françaises. Il faudrait desserrer le frein et ne pas craindre d’affirmer des positions spécifiques, qui peuvent parfois trouver plus d’échos dans le monde qu’en Europe. La prise en compte de la multipolarisation du monde sur le plan économique s’est accompagnée d’un recentrage occidental de la stratégie française.
Hollande n’a donc pas pris un courant néoconservateur, mais n’est pas non plus tout à fait dans la ligne gaullo-mitterrandiste. Hollande le pragmatique n’aime pas être enfermé dans des concepts. Mais il serait bienvenu que le discours qu’il va prononcer jeudi soit l’occasion de définir une vision globale du monde, de la place de la France, car il y a encore l’attente d’un rôle spécifique et particulier de notre pays.