13.12.2024
A l’IRIS, indépendance et liberté d’opinions priment
Édito
12 septembre 2014
On me demande souvent quelle est la position de l’IRIS sur telle ou telle situation géopolitique.
Ma réponse est toujours la même : l’IRIS n’a ni avis ni opinion. Les chercheurs de l’institut peuvent en avoir – et ils ne s’en privent pas – mais il n’y a aucune instance délibérative ou hiérarchique qui fixerait une ligne politique de l’IRIS.
On m’interpelle également régulièrement sur les prises de position de tel ou tel chercheur, qui peuvent plaire ou déplaire (lorsque l’on m’en parle c’est plutôt dans le second cas). Là encore la réponse est toujours la même : voyez directement avec la personne, cela ne me concerne pas au premier chef.
La liberté d’expression des chercheurs est un principe sacré sur lequel il ne faut accepter aucune dérogation. La seule limite est le respect de la loi et des individus. Les lois sur la diffamation sont assez précises en France pour encadrer l’expression. La conviction forte est incompatible avec l’insulte. L’autre limite, celle-ci non légale, est la crédibilité. Chacun a le droit de s’exprimer à condition d’étayer et non d’asséner ses convictions.
Différents individus ou instances m’ont parfois saisi pour me demander de sanctionner un chercheur qui aurait émis une opinion déplaisante à leurs yeux. Nous sommes dans un pays de liberté et ce type de demande (qui de surcroît est souvent le fait de gens qui ne s’adressent pas directement à l’intéressé) me paraît abracadabrant et relever de systèmes politiques peu recommandables qui devrait appartenir à une époque révolue.
Les chercheurs de l’IRIS ne sont pas recrutés sur la base de leur opinion mais celles de leurs compétences, de leur capacité de travail, de leurs connaissances et de leur talent. Ce qui est exigé d’eux, c’est qu’ils soient capables de répondre à des appels d’offres et de rédiger des études lorsque ces derniers sont gagnés. Vu l’importante activité de formation que l’IRIS a développé, il leur est également demandé d’avoir des qualités pédagogiques dans l’enseignement qu’ils prodiguent. Ensuite, ils s’expriment comme ils le souhaitent.
J’ai trop durement bataillé au cours de mon existence pour conserver ma liberté d’expression pour venir limiter celle des chercheurs avec lesquels je travaille au quotidien. Je considère même que leur liberté protège la mienne. Eux c’est eux, moi c’est moi ; chacun est libre et personne n’est responsable des propos tenus par un autre, toujours bien sûr dans le cadre de la légalité républicaine.
Nos débats internes sont parfois vifs de par la diversité de nos opinions. Il est arrivé que le même jour, de façon ironique mais au final réconfortante, des chercheurs de l’IRIS expriment des opinions divergentes dans deux médias différents. Il est arrivé que des chercheurs prennent position contre une opinion d’un des membres du Conseil d’administration de l’IRIS sans que je m’en offusque, même si cela peut être éventuellement délicat.
Les chercheurs ont choisi ce métier principalement pour être libres. Si l’on veut avoir des chercheurs réactifs, innovants, on ne peut pas leur demander d’être enfermés dans un carcan idéologique. Celui qui aurait peur de s’exprimer, qui chercherait en permanence le plus petit dénominateur commun, qui écrirait la peur au ventre de déplaire, ne peut être performant ou bien dans sa peau.
Je suis toujours surpris qu’à notre époque les appels directs, ou indirects, la censure, restent constants y compris venant de personnes qui clament leur attachement à la démocratie mais qui parfois n’acceptent pas qu’on ait une interprétation différente de la leur.