06.11.2024
Kenya : une situation politique et sécuritaire de plus en plus délétère ?
Interview
11 juillet 2014
Cette région est l’une des plus instables du pays pour deux raisons principales. La première est liée aux richesses naturelles. En plus de ses belles plages et de ses attraits touristiques, cette région suscite des convoitises de la part de multiples acteurs nationaux, transnationaux et internationaux. Une étude réalisée par une entreprise de minerais « Cortec Mining Kenya » montre que des métaux rares ont été découverts dans la région, notamment des gisements de niobium, un métal ductile gris exploité dans les industries automobile, navale et aéronautique. Les activités de transformation de ces minerais, prévues à la fin de l’année 2014, envisagent le traitement à terme d’environ 7 000 tonnes de niobium avec des retombées financières évaluées à près de 25,8 milliards de shillings kenyans sur l’ensemble de la durée de la mine. L’accès au marché international et le contrôle de ces métaux rares constituent donc un enjeu stratégique déterminant pour ces acteurs (MRC, Shebab, acteurs du jeu politique national, gouvernement, puissances étrangères et multinationales…).
La deuxième raison est relative à la proximité géographique et stratégique entre le Kenya, la Somalie et l’océan Indien. La porosité des frontières dans ce triangle permanemment crisogène et les faiblesses de l’appareil de défense nationale face à une menace asymétrique accroissent inexorablement l’insécurité dans ce pays qui reste la première puissance économique de la sous-région.
Le constat est sans ambages. Il est difficile aujourd’hui d’affirmer que le gouvernement kenyan garde la main sur la situation sécuritaire du pays, surtout de la région de côte en dépit de la volonté politique manifeste d’y faire face. Les autorités kenyanes ont décidé depuis quelques années de mener une guerre contre le terrorisme, mais les moyens nationaux pour mettre un terme à ces attaques ne sont pas suffisants. Il faut, comme le préconise le président de la Cour suprême kenyane Willy Mutunga, non seulement une mutualisation des moyens au niveau régional, mais aussi et surtout la construction et l’amélioration des capacités nationales des systèmes de sécurité et de justice pénale.
L’économie kenyane est-elle menacée du fait de ces attaques répétées, notamment celle liée au tourisme ?
Absolument ! L’on peut déjà mesurer les conséquences économiques de l’attaque terroriste perpétrée au monumental centre commercial Westgate de Nairobi en septembre 2013. Le secteur du tourisme ne sera pas le seul à être sérieusement touché par ces attaques si l’Etat ne reprend pas en main le contrôle de la défense et de la sécurité nationale. Il faut y ajouter les investissements directs étrangers qui pourraient connaître, eux aussi, un important fléchissement du fait d’un environnement sécuritaire hostile au développement des activités économiques.
Dans ce contexte, les prévisions du gouvernement d’une croissance à deux chiffres à l’horizon 2018 risquent fort de ne pas être atteintes. Le tourisme représente pour l’économie nationale le deuxième secteur d’activité après l’agriculture, avec des recettes de l’ordre de 1,12 milliard de dollars en 2011. L’impact de ces attaques terroristes est donc éminemment dramatique pour l’économie kenyane. Cela est d’autant plus regrettable que le pays avait déjà fait les frais non seulement des violences qui avaient suivi les élections du début de l’année 2008 mais également d’une sécheresse structurellement dévastatrice pour l’agriculture et l’économie nationale.
Dans ce climat tendu, des milliers de Kenyans se sont réunis lundi lors de manifestations organisées par l’opposition, menée par Ralia Odinga. Quelle est la situation politique au Kenya ?
Quand les secteurs économique et sécuritaire traversent des moments de bouleversement, la situation politique devient incontestablement délétère. L’opposition kenyane profite à la fois des difficultés du gouvernement à rétablir la paix dans le pays et des délires et fantasmes de ce dernier sur la gestion de la question foncière, précisément dans la région de la côte, pour mobiliser une population qui a le sentiment de vivre une injustice économique commune.