20.12.2024
Indépendance de l’Ecosse : quels enjeux ?
Interview
24 avril 2014
Selon toute vraisemblance, non. La stratégie du parti national écossais (SNP) était à double tiroir : d’abord, s’établir en force politique crédible avant d’imposer la nécessité de l’indépendance dans le débat naturellement. Le premier objectif a été atteint depuis l’accession du parti au pouvoir en 2007. Le second l’a été un peu moins.
A aucun moment, pour l’instant, les « indépendantistes » (qui voteront oui) n’ont été devant les « unionistes » (qui voteront non) dans les sondages. Force est de constater que le rapport de force s’est resserré ces derniers mois : de 24 points d’avance pour le « non » en novembre, l’écart est passé à 8, à mesure que Londres proférait des menaces notamment sur l’Union monétaire (hypothèse qui veut qu’Edinbourg dispose de la livre sterling).
Cela a pu braquer des Ecossais qui ne goutent guère les menaces de Westminster et a eu pour effet de provoquer une réaction de rejet, plus émotionnelle peut-être que véritablement structurelle. Mais l’écart stagne désormais quelque peu.
Pour que les indépendantistes écossais transforment l’essai il leur faudra convaincre sur le fond, être force de proposition crédible, et présenter un argumentaire qui soit plausible. On peut estimer que c’est ce qui manque actuellement.
Pourquoi ?
En quelques mots, les indépendantistes veulent une Ecosse membre de l’UE, dotée de la livre sterling, et membre non-nucléaire de l’OTAN.
Ces positions ont pour mérite d’être claires. Mais elles risquent de passer pour des promesses plus que des objectifs réalisables. Aucune des décisions nécessaires en la matière n’appartient en effet à l’Ecosse. Chacun de ces objectifs nécessite l’assentiment d’entités tierces. Or, Londres se refuse à envisager l’Union monétaire, et le président de la Commission Barroso a indiqué que l’Ecosse avait très peu de chances de devenir membre de l’UE.
Quels sont les arguments en faveur de l’indépendance ?
C’est un problème qui, pour un observateur extérieur, est très intéressant intellectuellement. Il convoque une série de questions passionnantes sur la légitimité démocratique, sur la dissuasion nucléaire (tous les moyens britanniques sont en Ecosse à l’heure actuelle) et son démantèlement, sur les similitudes avec la Crimée, les Flandres, la Catalogne, etc.
L’une des raisons principales évoquées par les indépendantistes voudrait que le gouvernement de Westminster soit très peu représentatif d’Edinbourg. L’Ecosse est très pro-européenne, progressiste et de gauche. Alors que Westminster est aujourd’hui plutôt conservatrice, anti-européenne et de droite. Cela dit, un tel argument justifierait que l’ouest de Paris fasse sécession dès lors que la gauche est à la barre de la Mairie de Paris.
Un autre argument consiste à dire que les Ecossais n’ont pas leur mot à dire sur les domaines réservés et pourtant cruciaux que sont la défense ou l’impôt.
L’hypothèse la plus intéressante et la plus plausible serait que la marge de victoire du « non » soit si étroite (48% contre 52% par exemple) qu’elle n’enterre en rien le problème. Alors la question se poserait inévitablement de déléguer davantage des pouvoirs du « domaine réservé » au parlement Ecossais.
Mais il peut aussi être intéressant de considérer ces questions dans le temps long de l’histoire. De ce point de vue, l’on peut se demander si l’on est véritablement du bon côté de l’histoire quand on choisit de se replier sur ses idiosyncrasies plutôt que de s’ouvrir. Bien que le fond de l’air soit frais en ce moment, et que la tendance naturelle soit au repli plutôt qu’à l’ouverture à l’autre, se refermer sur son petit lopin de terre ne me semble pas être une solution à la hauteur des défis de l’époque.