ANALYSES

Iran : quelles avancées ?

Interview
3 février 2014
Le point de vue de Thierry Coville
Depuis la signature de l’accord intérimaire sur le nucléaire iranien entre Téhéran et le P5+1 en novembre 2013, ce texte a-t-il eu un impact sur le quotidien des Iraniens ?
Pas véritablement, principalement parce que la suspension des sanctions reste tout de même assez limitée. Par contre, on peut dire qu’il y a eu un impact plutôt psychologique dans le sens où, depuis l’élection de Rohani, on a vu le taux de change de la monnaie nationale – le rial – se renforcer contre le dollar sur le marché noir. Parallèlement, le prix de l’or a baissé. L’accord intérimaire a renforcé ces anticipations et cela a eu un impact important sur l’économie iranienne en permettant une légère décélération de l’inflation. S’il est vrai que pour l’instant, concrètement, il n’y a pas eu d’impact sur l’activité – le chômage reste élevé – le fait que l’inflation ait un peu diminué est néanmoins visible pour les Iraniens.

Dans le cadre de l’accord précité, l’Union européenne a levé partiellement et provisoirement ses sanctions économiques à l’encontre de l’Iran, déclenchant une véritable ruée des entreprises européennes sur le marché iranien. Qu’en est-il des entreprises françaises ?
Il faut préciser que seule une petite partie des sanctions a été levée, l’essentiel des sanctions restant en place. Par exemple, les ventes de pétrole iranien, d’après mes sources, restent limitées à 50 % de leur potentiel. Par contre, il est vrai que la perspective du règlement définitif de la question du nucléaire et le fait qu’il y ait un accord provisoire encouragent les entreprises des différents pays à commencer à prendre des contacts sur le marché iranien. Si dans l’automobile on peut déjà faire des affaires, pour d’autres secteurs, l’idée est de prendre date pour être prêt quand il y aura une levée définitive des sanctions. Concernant les entreprises françaises, à mon avis, le fait de se positionner sur le marché iranien dès maintenant est une bonne stratégie. Il est clair que si elles attendaient qu’il y ait un règlement définitif de la question nucléaire, elles se feraient doubler par tous leurs concurrents européens mais également américains qui eux commenceraient à prendre contact et à préparer des contrats. Dans ce cas de figure, les entreprises françaises prendraient un retard difficilement rattrapable.

Le ministre des Affaires étrangères iranien a rencontré hier son homologue américain afin de préparer les négociations sur le nucléaire devant se tenir le 19 février à Genève. Au vu de cette rencontre, comment s’annoncent les pourparlers ?
Il est clair qu’il y a eu une amélioration dans le sens où l’Iran a véritablement commencé à appliquer les conditions de l’accord intérimaire en arrêtant d’enrichir l’uranium à un niveau supérieur à 5 %. Mais on voit bien que l’on rentre dans le « dur » des négociations qui est de définir, à terme, l’amplitude du programme nucléaire iranien. Là, on est face à deux positions assez différentes. L’Iran veut maintenir autant que possible son programme nucléaire et continuer à enrichir de l’uranium. Les Occidentaux, quant à eux, veulent avoir des garanties et limiter au maximum l’ampleur du programme nucléaire iranien pour qu’il n’y ait pas de passage rapide au nucléaire militaire qui les mettrait devant le fait accompli. Dès lors, les négociations sont importantes parce qu’elles vont définir, de manière définitive, le cadre futur du programme nucléaire iranien.
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