27.11.2024
Genève II : vers une résolution du conflit syrien ?
Interview
24 janvier 2014
Il est trop tôt pour dire si cela constitue une avancée dans la résolution du conflit syrien. Il ne faut pas se faire d’illusions : ce conflit terrible ne va pas pouvoir se régler ni en une séance ni même en plusieurs. C’est un processus probablement long qui se met en place, donc à ce jour personne n’est évidemment capable de dire si Genève II va permettre de dénouer cette guerre civile et mettre fin à la barbarie à laquelle nous assistons.
La crise syrienne ne pourra se résoudre que politiquement, car il est désormais évident qu’il n’y aura pas de solution militaire à cette guerre civile. En ce sens, si nous nous plaçons dans la perspective d’un règlement politique, il faut bien commencer par un processus de négociations. Ainsi l’avancée que constitue de ces premières réunions à Genève repose sur le fait que les différentes parties au conflit, ou une partie d’entre elles tout du moins, acceptent de se retrouver ensemble et d’entamer les pourparlers. Cela n’est pas une garantie de réussite, mais sans cette première étape nous serions sûrs d’aboutir à un échec. La mise en œuvre du processus est de ce point de vue positif.
Quelles sont les forces de l’opposition représentées à Genève II ?
Il est en réalité préférable de parler des oppositions. Finalement, il n’y a qu’une petite partie de celles-ci qui ont accepté de venir à Genève. Ainsi, les représentants de l’opposition à Genève sont essentiellement constitués d’une partie de la Coalition nationale syrienne, principalement dominée par des responsables politiques liés à l’Arabie saoudite. Nous savons également qu’une autre partie de la Coalition nationale syrienne a, pour sa part, refusé de venir et a même provoqué une scission de la Coalition nationale. D’autre part, les Kurdes, dont on a constaté la prise d’importance sur le champ syrien au cours de ces dernières semaines, n’ont pas tous accepté de venir. Les Kurdes présents à Genève sont ceux liés aux Kurdes d’Irak. Alors que ceux représentés par le Parti de l’union démocratique (qui est lui-même lié au PKK turc) ont refusé de venir.
Il est important de comprendre les limites de la représentativité des hommes qui sont présents à Genève du côté des oppositions. Cela est un obstacle objectif parce que, même si des linéaments de solution ou des résolutions communes sont actés en accord avec les représentants du pouvoir, la question est de savoir si ces résolutions pourront se concrétiser sur le terrain. Je crains fort qu’une partie des oppositions, armées ou non, qui ne participent pas à Genève, n’aura de cesse de dénoncer toute avancée positive et toute forme de compromis avec le pouvoir. Enfin, il est important de souligner que les djihadistes, c’est-à-dire le Front Al-Nosra et l’Etat islamique en Irak et au Levant, dont on a souligné la progression ces dernières semaines, ont refusé de participer aux négociations.
La question du sort de Bachar Al-Assad reste le principal motif de désaccord. Faute de consensus sur cette question, pensez-vous que Lakhdar Brahimi pourrait se concentrer, ainsi que les Occidentaux et les Russes, sur la mise en place d’un cessez-le-feu et le déploiement de l’aide humanitaire ?
Effectivement, la question du sort de Bachar Al-Assad est ce qui risque de freiner le processus de négociation initié. La position des opposants qui ont accepté de venir à Genève est d’exiger le départ du président syrien avant même de commencer les pourparlers. C’est évidemment un vœu pieux, car en termes de méthode on ne peut mettre au point de départ d’une négociation le point qui devrait constituer éventuellement le point d’arrivée. Cette exigence n’est pas acceptée par la délégation qui représente le pouvoir de Bachar Al-Assad.
Cette question est plus que sensible, elle est symbolique, puisque Bachar Al-Assad est le cœur et le symbole du système actuel. Nous pouvons donc souhaiter que Lakhdar Brahimi, qui est mandaté par l’ONU, parvienne dans un premier temps à quelques succès tangibles, mais qui sont sur le terrain importants, et qui seraient autant d’appuis pour ensuite aller plus loin dans les négociations et permettraient d’aborder le fond des questions politiques, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un processus de transition négocié. Et si on parle de transition négociée, tôt ou tard arrivera le moment où se posera la question de Bachar Al-Assad.
Parmi les résolutions qui pourraient constituer des mesures de confiance, sont celles concernant la mise en place d’un cessez-le-feu. Il serait cependant illusoire de penser qu’il pourrait être général, parce des groupes s’y opposeront forcément, notamment les djihadistes. Pour que des mesures de confiance se cristallisent, il faudrait qu’au moins trois ou quatre villes respectent un cessez-le-feu. Quant à la possibilité de déployer une véritable aide humanitaire, cela nécessite l’accord de toutes les parties. Ce serait là une autre avancée.