ANALYSES

Visite de Jean-Marc Ayrault en Algérie : quels enjeux ?

Interview
17 décembre 2013
le point de vue de Kader Aberrahim, chercheur associé à l’IRIS
Alors que le Premier ministre français vient d’achever une visite officielle en Algérie, quel est l’état actuel des relations entre Paris et Alger ?
C’est une nouvelle lune de miel puisque la relation est excellente. Tout le monde souhaite que cette situation perdure. Le seul problème est qu’on sait bien qu’à un moment ou à un autre il y aura à nouveau des tensions qui viendront contrarier les beaux projets. Cela risque de remettre en cause tout ou partie de l’édifice qui a été patiemment mis en place depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande. C’est la raison pour laquelle, pendant cette visite, on ne parle pas des sujets qui fâchent mais uniquement de faire des affaires ensemble et de la manière dont la France peut retrouver sa position dominante en Algérie, position qu’elle a perdu depuis quelques mois au profit de la Chine.

L’économie semble être un des thèmes importants de cette visite, quels sont les principaux enjeux pour la France dans ce domaine ?
Précisément, la Chine, depuis maintenant plus de vingt ans, investit énormément et a une présence très importante en Algérie. Elle est très agressive sur le plan commercial comme elle l’est partout dans le monde. L’Algérie est un enjeu important pour la Chine puisqu’elle lui permet de tirer une partie de ses besoins énergétiques, en pétrole notamment. La position stratégique de l’Algérie et son rôle sont également importants. La Chine a supplanté la France qui était le premier fournisseur de l’Algérie depuis toujours ou en tout cas depuis l’indépendance de ce pays.
Aujourd’hui, c’est la France qui court après des parts de marchés en Algérie alors que pendant très longtemps, ce sont ses rivaux européens et occidentaux qui couraient après elle. Désormais, la France court après la Chine. Evidemment, cette situation n’est pas très favorable à la France mais la visite de Jean-Marc Ayrault pourrait peut-être débloquer certaines situations extrêmement sensibles en Algérie puisque ce pays protège, malgré tout, son marché. On verra avec l’annonce des contrats qui ont été signés si le Premier ministre français est parvenu à obtenir ce pour quoi il avait programmé cette visite.

Les questions sécuritaires seront-elles abordées ?
Peut-être mais c’est peu probable. De toute manière, les entretiens de Jean-Marc Ayrault vont se dérouler avec le Premier ministre Sellal qui n’a pas l’aptitude ni l’autorité pour évoquer les dossiers de politique étrangère. On sait aussi que le Président Bouteflika est indisponible depuis maintenant plusieurs mois et que c’est lui qui a la haute main sur la politique étrangère. Par conséquent, il est peu probable qu’il y ait des évolutions spectaculaires sur ces questions-là, même si on les aborde de manière très superficielle.

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