ANALYSES

Elections municipales au Kosovo : un premier bilan négatif ?

Interview
4 novembre 2013
Le point de vue de Gaëlle Pério-Valero, chercheur à l’IRIS, spécialiste des Balkans
Quels étaient les enjeux des élections municipales kosovares dont le premier tour s’est tenu hier ?
Le premier enjeu de ces élections était la sécurité. Il existe dans le Nord du Kosovo une habitude – pour le moins malheureuse – d’élections sous tension et, effectivement, il y a eu hier des incidents, assez graves d’ailleurs, dans plusieurs bureaux de votes provoquant notamment l’évacuation des observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
Le deuxième enjeu était la validation populaire de l’accord conclu entre Belgrade et Pristina en février dernier et qui doit garantir un degré d’autonomie conséquent aux municipalités serbes du nord-Kosovo. Cette validation aurait dû être démontrée via le taux de participation, hors celui-ci a été extrêmement faible au nord-Kosovo.

Quel est le bilan du premier tour de ces élections ?
D’abord, sachant que les résultats ne sont pas encore disponibles, il se pourrait que les élections soient invalidées en raison des incidents qui se sont déroulés au nord-Kosovo (vols de listes électorales, agressions dans certains bureaux de vote). Aussi, le bilan que l’on peut faire de cette journée d’élections, compte tenu du faible taux de participation et des incidents, est que les Serbes du nord-Kosovo ont encore besoin d’être rassurés. D’une part, ils ont probablement eu le sentiment d’être trahis par Belgrade qui les a encouragés à aller voter mais également par l’Eglise orthodoxe serbe qui a également inciter les Serbes du Kosovo, et c’est une grande première, à participer à des élections kosovares. D’autre part, la population serbe du nord-Kosovo a besoin d’être rassurée sur ses conditions de vie : elle ne souhaite plus faire le jeu des extrémistes qui se sont montrés très en force hier et qui ont toujours des moyens de pression et de menace sur les populations locales, malgré la présence du personnel international et l’appui de Belgrade. De plus, elle rejette le système parallèle mis en place dans le Nord du Kosovo (système qui n’en est pas un puisqu’il est illégal) et qui profite à la criminalité organisée, l’Etat de droit n’étant toujours pas installé. Ainsi, les personnes qui ne se sont pas déplacées ont toujours des peurs dont certaines sont héritées de la guerre.


Quel sera l’impact de ces élections sur les relations entre Pristina et Belgrade ?
Paradoxalement, je pense que l’impact de ces élections sera plutôt de renforcer les relations entre la Serbie et le Kosovo. Finalement, à l’issue de ce premier tour, Belgrade et Pristina ont un problème commun : les Serbes du nord-Kosovo. Ces élections ne vont pas séparer davantage les deux acteurs mais, au contraire, elles vont probablement les pousser à élaborer des stratégies communes pour tenter de stabiliser cette région du qui est importante pour les deux capitales : pour Pristina, parce que le Kosovo a besoin d’assurer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire ; pour Belgrade, car la Serbie se doit d’assurer la sécurité et un avenir décent à la minorité serbe qui est désormais présente au Kosovo. Il ne faut pas oublier non plus – car on parle essentiellement des Serbes du nord-Kosovo – que d’autres Serbes vivent dans le reste du Kosovo et que leur situation est plutôt bonne.
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