19.12.2024
Intervention militaire au Mali : et maintenant ?
Interview
30 janvier 2013
Le Mali est un Etat failli, ou tout au moins un pays qui connaît de très grandes faiblesses. L’opération en Libye a expulsé des milliers d’islamistes vers ce pays et s’y sont installés. La France a, dès la fin de l’année 2011, insisté pour que la Communauté internationale s’implique dans l’affaire malienne. Ceci a donné lieu à la rédaction de trois résolutions au Conseil de Sécurité (avec en particulier les résolutions 2072 d’octobre 2012 et 2085 de décembre 2012). Ces résolutions, entièrement rédigées par la France et approuvées par le Conseil de Sécurité, exposent la stratégie à mettre en place pour contrer la menace islamique et venir en aide au pays. Cette stratégie prévoyait l’implication de l’Union européenne, qui devait former les forces maliennes, et des forces africaine des pays de la Cédéao, qui devaient aider cette armée à se lancer dans la réappropriation du Nord. Par ailleurs, il y avait une stratégie politique d’amélioration de la gouvernance du pays en établissant un gouvernement reconnu par la population. Un troisième axe de la stratégie était de diviser les Maliens d’origine touareg et les groupes islamistes afin d’affaiblir ces forces rebelles. Les groupes islamistes ont tenté de s’emparer du Mali pour profiter de la déliquescence de l’armée malienne et des délais affichés par la communauté internationale pour intervenir (l’opération devait en effet démarrer en septembre 2013). C’est sur ces entrefaites que s’est greffée l’opération française. Celle-ci a répondu aux besoins urgents de protection des résidents français et européens (qui sont des cibles de premier choix pour des enlèvements) et de sécurisation de Bamako. Après la prise de Tombouctou, la France devrait revenir à sa stratégie initiale : celle d’obliger le gouvernement malien à gérer politiquement sa transition politique et de déléguer à la communauté internationale le soin d’agir de concert avec la Cédéao et les forces maliennes, à la reconquête du pays.
Quel rôle, quel objectif et quelle stratégie pour l’armée française ?
Je ne pense pas que l’objectif de l’armée française consiste à faire le travail confié à la Cédéao, l’objectif initial était de protéger Bamako. Pour protéger Bamako il fallait défendre le fleuve Niger qui partage le Mali en deux. Il était ainsi nécessaire de se saisir de tous les ponts pour empêcher la progression vers le Sud des islamistes, car la ligne naturelle de défense de Bamako est bien la ligne Diabali-Tombouctou-Gao. On est aujourd’hui retourné au plan initial de la résolution 2085, c’est-à-dire qu’on a une ligne de départ, une frontière sécurisée entre le Nord et le Sud derrière laquelle se reconstitue l’armée malienne. Il y a six ou sept pays avec des armées différentes de la Cédéao qui sont en train de venir sous la direction d’un commandant nigérian – anglophone.
L’opération vers Kidal, cette nuit, a vraisemblablement été une manœuvre de l’armée française pour tester la volonté du MNLA – qui prétend avoir repris la main sur la ville. Souhaitent-t-ils vraiment coopérer ? Auquel cas la stratégie qui consistait à séparer le MNLA (le mouvement National de Libération de l’Azawad, mouvement malien) des islamistes serait désormais effective.
Comment se sont investis les partenaires européens dans ce conflit ?
L’opération de l’Union européenne était en train de se monter, avant l’intervention française, mais à un faible rythme. En effet, l’horizon fixé était lointain, initialement prévu pour septembre 2013, les contraintes financières sont fortes, enfin, les pays de l’UE ne sont pas tous dans la même vision de ce que doit être l’espace stratégique de l’Europe. Chacun a ses propres perceptions de ses lignes d’action et de son espace stratégique. Certains partenaires européens ont cependant contribué à l’opération en fournissant la plupart du temps des avions stratégiques – la France en manque. Les autres pays européens vont envoyer des officiers pour monter l’opération de l’UE de formation des troupes maliennes. Par ailleurs, les Etats-Unis et le Canada ont fourni des avions de reconnaissance et des avions de ravitaillement. Cette opération se fait avec la France comme nation cadre, position prévue dès le départ, bien avant l’opération Serval.