19.12.2024
Prix Nobel de la paix à l’Union européenne : une attribution justifiée ?
Interview
12 octobre 2012
Il me paraît très positif que le Comité ait voulu envoyer justement un message anti-crise, anti « déprime ambiante ». Le continent fait habituellement la Une de la presse pour ses difficultés économiques et politiques. Finalement, il fallait peut-être le Comité du prix Nobel pour nous dire, « attention, citoyens européens, n’oubliez pas que l’Union européenne a des atouts formidables, n’oubliez pas qu’elle est avant tout un projet de paix et de prospérité et qu’elle est la première économie du monde ». Aussi, il ne faut pas oublier que l’Union européenne devient également, petit à petit, un acteur de la pacification des conflits internationaux : elle se dote en effet progressivement d’une politique étrangère de défense commune, d’une façon très timide avec le traité de Maastricht, puis avec le traité d’Amsterdam en 1997, et surtout les accords de Saint Malo entre la France et le Royaume-Uni en 1998 qui ont débouché sur la naissance d’un embryon de politique de défense européenne. Aujourd’hui, celle qu’on appelle la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) est, bien que connaissant des difficultés liées à sa jeunesse et à son statut « sui generis », une réalité : plus de vingt missions ont été réalisées partout dans le monde pour aider à la reconstruction, contrôler des frontières, apporter une assistance à la création de structures étatiques, lutter contre la piraterie, assurer le mantien de la paix. L’UE est donc également un acteur des relations internationales.
Mais, si l’on sort maintenant des louanges que l’on peut effectivement adresser à l’UE pour avoir pacifié le continent et pour son action sur la scène internationale, les chefs d’Etats et de gouvernement devraient également interpréter ce prix comme un encouragement à mieux faire. Il est urgent que les citoyens et les leaders européens se rappellent de l’importance de l’Union certes, mais aussi de continuer l’approfondissement de l’intégration européenne en mettant l’accent sur la nécessaire démocratisation des structures. Les institutions européennes, sous les effets de la crise, se voient confiées de nouvelles responsabilités, de contrôle des budgets nationaux par exemple, alors que les citoyens ne voient « Bruxelles » que comme une capitale lointaine, compliquée, opaque. Sur la scène internationale aussi la PSDC, malgré la vingtaine de missions que j’ai évoquée, reste embryonnaire. La défense du continent européen reste assurée par l’Alliance atlantique, et le « parapluie » américain. L’UE, et donc ses Etats membres, doivent décider du rôle qu’elle devra jouer dans le monde de demain : voulons-nous un monde multipolaire à l’intérieur duquel l’UE est un pôle de puissance ? Aujourd’hui, l’UE est la première économie au monde, mais elle n’est pas en rien la première puissance politique. Il ne s’agit pas d’avoir pour ambition de devenir une superpuissance dans un monde unipolaire qui serait dominé par l’Union européenne, mais bien de défendre les intérêts des citoyens européens dans une arène, celle internationale, qui reste soumise aux rapports de force. De surcroît, l’UE peut effectivement apporter, tout en défendant ses intérêts, un message universel, celui de la pacification. C’est très positif que le Comité du prix Nobel le souligne.