ANALYSES

L’Union européenne doit-elle et peut-elle faire plier la Hongrie ?

Interview
19 janvier 2012
Réponse par Pierre Verluise, directeur de recherche à l’IRIS
La question fondamentale est la suivante : l’Union européenne doit-elle faire respecter ses valeurs ? Parmi ces dernières, définies dans l’article 2 du traité de Lisbonne, nous retrouvons : la démocratie, l’État de droit, le respect du pluralisme, de la non-discrimination. Et sur ces points, la Hongrie de Viktor Orban pose question. Or, si l’Union européenne entend rester légitime, il importe qu’elle fasse respecter ses valeurs.
Cependant, le traité de Lisbonne permet-il de contraindre un État à revenir sur certaines dispositions ? L’article 7 peut alors entrer en jeu, qui peut conduire à suspendre les droits de vote d’un État qui ne respecterait pas les valeurs de l’article 2. C’est une procédure grave, complexe, et surtout inédite.
L’Union européenne peut-elle faire plier la Hongrie ? Faut-il surtout qu’elle le veuille. Il semble que monsieur Barroso soit plutôt enclin à emprunter cette voie, mais la Hongrie a encore un mois devant elle pour apporter des modifications à ses textes pointés du doigt, et nul ne sait quelles seront-elles.
Plus largement, l’Union européenne s’inquiète de l’évolution du régime hongrois, et du fait que celui-ci diminue les contre-pouvoirs de façon progressive, tout en s’organisant à travers la loi électorale la quasi-assurance de rester au pouvoir en 2014, voire au-delà.
L’avenir n’est donc pas écrit. Il faut savoir que monsieur Orban a été élu grâce à une faible participation, et que beaucoup de Hongrois ne se retrouvent pas nécessairement en lui. Il faut donc se garder de généraliser.
Enfin, cette affaire hongroise conduira nécessairement à une réflexion sur les élargissements de 2004 et 2007, ainsi que sur ceux à venir. Car moins de dix ans après son entrée en 2004, il est clair aujourd’hui que la Hongrie ne respecte pas à la lettre les valeurs démocratiques de l’Union européenne, qui a certes des défauts, mais demeure indiscutablement démocratique. Ceci laisse entendre que les procédures de vérification ont été défectueuses. Cela va nécessairement amener l’opinion publique et les politiques à se montrer plus critiques envers les futurs élargissements prévus.
Il faudra néanmoins se garder ici d’être injuste et de mettre tous les pays des derniers élargissements dans le même sac, car bien évidemment, les douze pays entrés en 2004 ou 2007 ne sont pas tous dans la même configuration que la Hongrie.
Il n’empêche que dans la relation des opinions publiques à l’élargissement, le cas de la Hongrie peut jouer. L’Union européenne fait preuve d’un fort volontarisme en matière d’élargissement à l’égard des Balkans occidentaux, pourtant il est parfaitement clair que ces derniers ne sont pas tous des États de droit. Cette expérience hongroise démontre donc les limites du volontarisme, qui vient de buter contre le mur de la réalité.
L’on peut alors se demander quel sera l’impact de cette affaire hongroise sur les élargissements prévus, dans le sens où l’on s’aperçoit que la démocratie est une culture qui demande du temps à acquérir, et que les pays qui n’ont pas eu le temps de la construire sont susceptibles de dérives populistes, voire de céder à une certaine forme de « démocrature ».

J’ajouterais enfin qu’il faut être modeste ; l’on connait des pays qui sont depuis longtemps démocratiques, mais qui parfois sont susceptibles de trouver une certaine attirance aux sirènes du populisme. Autrement dit, ce ne sont pas seulement les nouveaux États membres qui sont interrogés dans cette affaire, mais l’ensemble des pays de l’Union européenne et des candidats.
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