17.12.2024
Tensions sino-japonaises en mer de Chine orientale : la situation peut-elle déraper ?
Interview
18 septembre 2012
Quelle est la genèse de ce conflit ?
L’affaire des Senkaku/Diaoyu est en réalité un vieux différend territorial entre les deux puissances. Ces îles inhabitées, dont la plus grande (Uotsurijima) fait seulement 3,5 km2 et les autres quelques dizaines d’hectares, sont situées à 90 milles nautiques à l’ouest d’Okinawa (Sud du Japon).
L’administration américaine a rendu ces îles au Japon en juin 1971 mais la Chine et Taïwan ont alors réclamé les Senkaku/Diaoyu en arguant que ces îles, découvertes par la Chine en 1372, avaient été cédées au Japon avec Taïwan par le traité de Shimonoseki de 1895. Elles appartiendraient donc en fait à Taïwan et donc à la Chine…
Une montée des tensions a failli dégénérer violemment en septembre 2010, après l’arraisonnement début septembre par les autorités nippones d’un chalutier chinois qui était entré dans les eaux japonaises. En mesure de rétorsion à l’arrestation du capitaine chinois, Pékin a aussi utilisé l’arme économique et suspendu quelques semaines les exportations chinoises de métaux rares vers l’Archipel japonais, vitales pour l’industrie japonaise.
Les tensions peuvent-elles dégénérer en conflit militaire ?
La Chine a envoyé vendredi 14 septembre 6 navires appartenant à l’administration océanographique chinoise, une force paramilitaire forte de 300 bâtiments, qui ont pénétré dans ce que Tokyo considère comme ses eaux territoriales autour des Senkaku.
Les menaces verbales sont parfois violentes : le ministère de la Défense chinois « se réservera le droit de prendre les mesures nécessaires» pour assurer la souveraineté chinoise sur les îles (1), a-t-il déclaré il y a quelques jours. Et, Yu Zhirong, un fonctionnaire de haut rang dans l’Administration océanique d’Etat chinoise, a fait monter les enchères en disant : «Nous aurons à chasser les vaisseaux des Garde-côtes japonais des eaux territoriales chinoises. Nous n’avons pas peur de risquer un conflit mineur » (2). Or, personne ne peut garantir qu’un conflit en mer de Chine orientale resterait «mineur» en raison des liens militaires étroits entre le Japon et les Etats-Unis.
C’est pourquoi le secrétaire à la Défense américain, Leon Panetta, s’est inquiété des risques de conflit possible mais a aussi déclaré récemment lors d’une visite au Japon que les Etats-Unis « respecteront les obligations du traité (de sécurité de 1960) » avec Tokyo, ce qui inclut la défense du territoire japonais(3). Par ailleurs, il a appelé les parties à régler pacifiquement la question.
Côté japonais, la menace est prise au sérieux, comme le montre le dernier Livre Blanc de la Défense japonaise(4). Et depuis fin 2010, l’armée japonaise a été redéployée vers le Sud-Ouest de l’Archipel et le nombre de sous-marins est augmenté.
Avec l’appui militaire américain, le Japon a les moyens de faire face à une opération militaire chinoise ou de la dissuader. Par ailleurs, sur le plan économique, les liens sont importants, on l’a mentionné, et imbriqués. Pékin peut-il se passer du Japon notamment pour faire tourner son industrie ?
Aussi, aucun des deux camps n’a finalement intérêt à l’escalade militaire et ni la Chine, ni le Japon ne souhaitent un conflit à grande échelle. Néanmoins, le pessimisme règne de chaque côté concernant les perspectives d’un règlement pacifique de ce différend territorial, principalement à cause des sentiments hostiles et nationalistes dans l’opinion publique chinoise et japonaise(5), attisés à des fins de politique intérieure.
(1) « East China sea dispute. Beijing more sensitive to war tremors », Brendan O’Reilly, 18 septembre 2012, Asia Times online
(2) « China willing to risk ‘conflict’ as it claims waters around Senkakus », 15 septembre 2012, The Asashi Shimbun,
(3) Japan Times
(4) http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article6937
(5) « Japan-China stand-off over Senkaku/Diaoyu Islands », R. S. Kalha, 27 août 2012, Institute for Defence Studies and Analyses