20.12.2024
Ecosse : l’indépendance ou l’autonomie
Tribune
15 septembre 2014
La faute – ou le mérite – à de récents sondages qui marquent un retour en force des indépendantistes du Scottish National Party – SNP (dont il convient de rappeler que la dernière victoire électorale n’avait pas été annoncée par les instituts de sondage) et d’un soutien pour le Yes qui progresse à grande vitesse ; et à la panique du camp des unionistes du ‘Better together’ avec des promesses à tout rompre pour éviter ce qu’ils estiment être le pire.
Résultat, les Écossais voteront le 18 septembre soit pour l’indépendance de l’Écosse après plus de trois siècles dans le Royaume-Uni, soit pour une autonomie qui pourrait être d’une ampleur inédite en Europe.
Dans les deux cas, Londres s’apprête à vivre de difficiles mois de négociations avec Edimbourg, et le SNP peut d’ores-et-déjà parler de victoire (si le Yes l’emporte) ou de succès (si c’est le No qui arrive en tête) tant ces négociations se feront à son avantage.
Alex Salmond a toutes les raisons de jubiler. Le Premier ministre écossais, héraut du Yes et peut-être demain héros de l’Ecosse, est désormais en position de force. Il a d’ailleurs immédiatement dénoncé les nouvelles offres de Londres sur une plus grande autonomie et des compétences renforcées dans plusieurs domaines pour le Parlement écossais, jugeant qu’il en faudrait plus.
Le grand marchandage est en marche, le Royaume-Uni est en solde et les électeurs écossais peuvent se permettre de faire la fine bouche.
Comment le camp du No, largement en tête depuis le début de la campagne, est-il arrivé à une telle déroute ? La faute sans doute à une arrogance coupable de Westminster et de Downing Street, assurés jusqu’à il y a encore quelques jours que la victoire était acquise.
Fort de sondages qui lui étaient très favorables, David Cameron accepta il y a 18 mois la tenue de ce référendum, pensant que le résultat serait une humiliation retentissante pour Salmond et les siens. Il accepta aussi que la question porte de façon explicite sur l’indépendance, là où les constitutionnalistes auraient pu le seconder pour trouver une parade sans doute grossière, mais habile.
S’en suivit une campagne calamiteuse pour le camp du No, dont le seul argument était une mise en garde aux accents menaçants, là où de vrais débats de société sur le thème pourtant habilement trouvé du ‘Better together’ auraient pu avoir plus de succès.
Le Premier ministre britannique porte une responsabilité immense. Ses sorties sur le sujet se soldèrent quasiment à chaque fois par un renforcement des soutiens au Yes.
Le NSP est même parvenu à ce qui semblait encore impensable il y a quelques semaines et pourrait ironiquement sceller la victoire du Yes : pousser David Cameron à entrer de plein pied dans la campagne.
Il peut paraître à première vue normal que le Premier ministre britannique s’implique, et compte-tenu de la situation, le fasse toutes affaires cessantes. Sauf que le parti conservateur est très faible en Ecosse, bastion solide des Travaillistes, et que Cameron y est très impopulaire.
En clair, les meetings de campagne de Cameron pourraient avoir l’effet inverse de celui espéré par Londres, en galvanisant les indépendantistes et poussant dans leurs bras les derniers indécis, dont le choix sera déterminant.
Deux questions restent cependant à débattre. La première concerne, bien évidemment, le choix des Écossais. Compte-tenu des avancés promises en faveur de l’autonomie si le choix est celui du maintien dans l’union, cette question se résume désormais à l’identité à laquelle les électeurs souhaitent être associés.
En clair, sont-ils Écossais, ou se sentent-ils Britanniques ? Là aussi, David Cameron s’est tiré une balle dans le pied, en s’efforçant de démontrer que l’union britannique repose sur l’économie (ce qui, au passage, ne peut que faire sourire quand on connait ses positions sur l’UE).
Plus pragmatique (comme quoi les Anglais n’ont pas ce monopole), le champion de tennis Andy Murray déclarait il y a quelques années se sentir Écossais ou Britannique selon qu’il perd ou gagne ses matches. Comme il avait également annoncé, en marge de la Coupe du monde de football en 2006, soutenir toutes les équipes sauf celle de l’Angleterre, on aura compris où se situe le camp de la défaite pour ce natif d’Écosse, aujourd’hui adulé par le public britannique pour avoir offert Wimbledon à son pays depuis Fred Perry.
Et demain ? S’il est un sujet sur lequel il ne faut pas titiller les Écossais, c’est sans doute leur identité. Dès lors, plutôt qu’une autonomie, pourquoi ne privilégieraient-ils pas tout simplement une indépendance, plus nette, plus glorieuse, historique tout simplement.
La seconde question concerne l’attitude des autres pays, les membres de l’Union européenne surtout. Certes, toute ingérence dans les affaires intérieures d’un État n’est pas de mise, et certes une bonne diplomatie ne se lance pas dans des paris hasardeux.
Cette prudence ne doit cependant pas se traduire par l’absence d’une réflexion sur les conditions d’une intégration de l’Ecosse dans l’Union en cas de victoire du No, et encore moins par une ingérence de Bruxelles (Monsieur Barroso menaça de manière pour le moins explicite – et déplacée – l’Écosse de ne pas être acceptée dans l’UE en cas de victoire du Yes).
Ne nous voilons pas la face : si les indépendantistes l’emportent le 18 septembre, l’Écosse ne verra pas les portes de l’UE se fermer devant elle, pas plus que celles de l’Union monétaire si elle le souhaite, et moins encore celles de Westminster sur les négociations d’adhésion au Commonwealth.
Non, les Écossais ne seront pas isolés, ostracisés, marginalisés et, pour ne rien enlever, appauvris s’ils choisissent la voie de l’indépendance. Vivront-ils mieux ? C’est à eux et à eux seuls d’y répondre. Et c’est aux États membres de l’UE d’être préparés s’ils font ce choix.
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